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Un modèle français « solidaire » de la fin de vie présenté au gouvernement

Une étude publiée aujourd’hui par le Cercle Vulnérabilités et Société (1), avec l’Institut Sthétos, révèle que les Français les plus favorables à l’euthanasie sont les moins concernés – n’ayant jamais accompagné un proche- ou les plus déçus par l’accompagnement des derniers moments de la vie. Celle-ci paraît au moment même où le Cercle Vulnérabilités et Société remet 30 recommandations à la ministre de la Santé Agnès Firmin-Le Bodo, qui insistent sur la promotion d’une « vie désirable jusqu’au bout ».

Alors que le projet de loi sur la fin de vie devrait voir le jour fin septembre, Ombres & Lumière publie les résultats de l’étude (2) commanditée par le Cercle Vulnérabilités et Société, et éclaire les points majeurs de la note remise aujourd’hui au gouvernement, fruit d’un travail de plusieurs mois. « Alors que la Convention citoyenne a réuni des gens qui ne connaissaient pas le sujet et les a mis en présence d’experts pendant 27 jours, nous avons fait travailler des praticiens comme des auxiliaires de vie, des professionnels des Ehpad, des travailleurs sociaux auprès des personnes handicapées, souligne le sociologue Tanguy Châtel, co-fondateur du Cercle. On est parti de l’expérience de terrain. » Ces 30 recommandations viennent répondre, de manière pragmatique et exigeante, aux vœux mêmes des Français : les chiffres de l’Institut Sthétos soulignent que 57% d’entre eux voient la qualité de l’accompagnement et des soins palliatifs comme une priorité, contre une majorité relative, 43%, qui priorise la légalisation du suicide assisté. « L’ensemble des sondages pro-euthanasie, mis en avant par la Convention citoyenne, disent que plus de 80 % des Français veulent le suicide assisté, là, les chiffres tombent, constate Tanguy Châtel. Si on leur parle en termes de priorité, une grande majorité défend l’amélioration des conditions de vie. »

Mais le point marquant de cette étude concerne le profil des citoyens les plus favorables à l’euthanasie : ceux qui font le plus l’expérience de l’accompagnement de la fin de vie sont ceux qui prônent le moins la légalisation au suicide assisté : 39% des Français ayant accompagné un proche dans ses ultimes moments en font une priorité, contre 46% qui n’ont jamais eu d’expérience d’accompagnement de fin de vie. Quant aux jeunes de 18/24 ans, ils sont les moins nombreux -37%- à citer l’aide active à mourir comme première priorité d’amélioration de la prise en charge de la fin de vie : ils s’intéressent davantage à la préservation des qualités des conditions de vie. « On aurait pu penser que les jeunes optent pour une posture ‘moderne’ pro-euthanasie, alors qu’ils sont plus modérés, commente Tanguy Châtel. Ces chiffres-là obligent à s’interroger. »

Une vie désirable

Les 30 recommandations fournies aujourd’hui à la ministre de la Santé mettent l’accent sur une approche sociale et solidaire, qui relègue la question de l’euthanasie à l’exception. Elles dégagent une ligne originale forte : celle de promouvoir « l’aide à la vie désirable jusqu’au bout », plutôt que l’« aide à mourir ».  « Une vie désirable, observe le sociologue, ce n’est pas obliger les gens à vivre, mais créer les conditions pour qu’ils n’aient pas comme seule alternative de se suicider ». Tout en proposant des critères en cas de dépénalisation du suicide assisté, le Cercle alerte sur les dégâts collatéraux d’une telle loi sur les plus vulnérables. « L’effort public en matière de soins palliatifs et dans le champ médico-social risque d’être moins soutenu du fait de l’existence de l’aide active à mourir, – ce qu’on a observé dans les pays qui l’ont légalisée, souligne Tanguy Châtel. On est bien obligé d’alerter les pouvoirs publics en leur disant ‘votre responsabilité n’est pas d’accorder un nouveau droit, votre responsabilité, c’est de préserver la qualité de l’accès aux soins et à l’accompagnement ». 

Le Cercle Vulnérabilités et Société, qui pense la vulnérabilité sur un temps plus long que les situations de fin de vie, prévient sur le risque lancinant de découragement des personnes handicapées, ayant des maladies chroniques ou psychiques. « Il existe un risque réel que le suicide assisté ou l’euthanasie ne devienne un choix faute d’autres choix (un non-choix) pour des populations, stipule la note, “comme les populations très vulnérables qui peuvent se trouver en perte du désir de vivre face à des conditions de vie très dégradées, ou celles qui peuvent culpabiliser d’être un poids moral ou matériel pour leurs proches ou pour la société ». Ce ‘non-choix’ correspond aussi au manque criant de véritables soins palliatifs, pointé par Caroline Brandicourt, mardi 20 juin, lors de son entretien à Ombres & Lumière. 

Conséquences sur l’entourage

Les recommandations soulèvent des points trop négligés, voire absents du débat, comme les conséquences sur les soignants et sur les proches : aucun travaux scientifiques ne mesurent, par exemple, « les incidences de l’euthanasie, dans les pays qui l’ont légalisé, sur les professionnels impliqués dans les actes de fin de vie, et de manière plus large, l’impact sur la santé psychique des professionnels et des soignants » , souligne la note, au-delà même de la référence à l’objection de conscience. Il sera demandé aux mêmes personnes -celles qui nourrissent des liens forts avec les patients et préservent le tissu de solidarité avec elles- d’être impliquées dans l’aide active à mourir sans y être préparés. Enfin, les proches risquent d’être les parents pauvres de la loi. « Les incidences de l’aide active à mourir sur les proches ne sont pas évoqués dans l’avis du CCNE de septembre 2022 », déplore l’étude. « Nous insistons auprès du gouvernement sur le fait qu’il n’y a pas que les professionnels de santé, les “experts” qui sont concernés par le sujet, précise Tanguy Châtel. Il ne faut pas négliger l’implication des proches et des professionnels du médico-social, comme les auxiliaires de vie, dont on n’a pas assez évalué les conséquences d’une ouverture au suicide assisté. La puissance publique ne peut pas se contenter d’avoir une approche sanitaire, mais doit penser en termes de solidarité. »

Marilyne Chaumont, ombresetlumiere.fr

  1. Ce Cercle étudie la manière dont les vulnérabilités du champ social et de la santé peuvent devenir un levier de développement économique et social.

 (2) La note « Pour un modèle français solidaire de la fin de vie » est téléchargeable sur www.vulnerabilites-société.fr

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