Chroniques

Un rythme à part

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Au cœur des vacances avec Marie Océane, après un séjour dans les Landes, nous partons pour le mariage d’un de ses cousins dans le Berry… Comment va-t-elle le supporter ? A peine remise de la fatigue du voyage Compiègne – les Landes, nous repartons pour un week-end à 550 km, dans une voiture surchargée. Marie Océane retrouve ses frères, ses belles-sœurs, ses neveu et nièce, sa sœur et son fiancé. Elle est ravie, mais cela fait beaucoup d’émotions et de fatigue cumulée à gérer.

Ce qu’il y a de bien avec les mariages, c’est que cela commence par une messe, or Marie Océane aime tant les messes -et encore plus les messes de mariage. Elle le manifeste plutôt bruyamment, ce qui attire quelques regards réprobateurs, qui se transforment le plus souvent en sourires, tant la joie qui illumine son visage est communicative. Après, c’est plus compliqué. Le cocktail n’est pas adapté à Marie Océane et à son régime alimentaire ; c’est la débrouille : on trouve un jus de fruit et on le gélifie pour lui donner à boire. Je lui donne des petits morceaux de foie gras, et moi je mange les toasts… Ses cousins et cousines viennent l’embrasser, et elle sourit en les regardant en coin. Les amis sont gentils et prennent de ses nouvelles, mais, au bout d’un moment, elle gigote et fait comprendre qu’elle veut bouger. Alors je me promène avec elle sur des terrains plus ou moins adaptés au fauteuil.

Cela fait rire Marie Océane de m’entendre souffler derrière elle en montant des escaliers. Le cocktail s’éternise… On se met dans un coin tranquille, et je commence à la faire dîner et à lui donner ses premiers médicaments du soir. Arrive enfin l’heure du dîner de mariage, et nous sommes invités à passer à table. Malheureusement, la salle est immense et très bruyante. Nous essayons de slalomer entre les tables, mais plus nous avançons, plus le niveau sonore augmente, et nous sommes contraints de faire demi-tour. Jamais Marie Océane ne supportera un tel brouhaha. C’est la crise d’épilepsie assurée. Je retourne dehors pour lui faire finir son dîner et ses derniers médicaments. Marie Océane a les yeux qui se ferment, je vais la coucher dans une salle au calme, tandis que résonne au loin la musique d’entrée des mariés dans la salle du dîner.

Ce n’est pas encore cette fois-ci que Marie Océane fera la fête jusqu’au bout de la nuit. Malgré ses 27 ans, elle a un rythme à respecter. C’est dommage, mais on ne regrette rien : Marie Océane aura participé à l’essentiel du mariage de son cousin -la belle messe et l’émouvant engagement de ces deux jeunes, témoignage d’amour et d’attention aux autres. À L’Arche où elle retournera à la fin du mois, on risque encore de nous dire qu’elle est fatiguée lorsqu’elle revient de chez nous. Alors, d’ici là, on va s’attacher à lui offrir des vacances plus reposantes.

Hubert Saillet, ombresetlumiere.fr, 24 juillet 2023

Portrait d'Hubert Saillet


Hubert Saillet est père de cinq enfants, dont Marie Océane, qui est polyhandicapée. Il est membre, avec son épouse, d’une communauté Foi et lumière à Compiègne (Oise).

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