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« Une vraie joie est possible au moment d’accueillir un enfant différent »
Maman d’Isaac, porteur de trisomie 21, Alice Drisch vient de lancer le site M21 et une ligne d’écoute, destinée à conseiller des mères et futures mères d’enfants porteurs de handicap. Elle a répondu à Ombres & Lumière.
Comment est né ce projet ?
Ce projet est né dans mon cœur, quand j’attendais Isaac. Les examens médicaux avaient été compliqués. Les médecins suspectaient une trisomie 21 – qui, finalement, sera confirmée à sa naissance. Aux premières alertes définitives des médecins, deux voies nous ont été proposées, à mon mari et moi : soit d’interrompre la grossesse, soit – si on faisait le choix de la poursuivre – de signer une décharge comme quoi l’on ne porterait pas plainte contre l’hôpital ensuite. Ce n’est pas normal que ce soient les deux premières réponses qu’une femme ou un couple entende en apprenant que son enfant est potentiellement porteur d’un handicap ! On fait face à une solitude extrême lorsque l’on entend ce diagnostic. Le personnel médical, peu formé sur la façon de procéder, ne nous dit rien. C’est trop violent ! Il était urgent de créer quelque chose pour accompagner les femmes pendant leur grossesse, entre l’annonce du diagnostic et la naissance. Mais j’ai bien conscience que je m’attaque au plus difficile…
Pourquoi ?
Car le décalage est si immense entre ce que l’on nous annonce et ce qu’on vit à la naissance que l’accompagnement s’en trouve complexe et délicat. Quand le diagnostic est posé, on ne nous évoque jamais les bonheurs possibles. Cette vie à naître semble d’emblée condamnée. Lorsque j’ai donné le premier bain à Isaac, un médecin l’a regardé en disant : « sa vie va être terrible… ». On en est là !
Il était urgent de créer quelque chose pour accompagner les femmes pendant leur grossesse, entre l’annonce du diagnostic et la naissance.
Qu’auriez-vous aimé entendre – et que d’autres femmes dans votre situation entendent – au moment du diagnostic ?
Isaac a d’abord été une joie immense. J’aurai aimé rencontrer une famille ayant un enfant handicapé pour échanger, pour qu’ils me parlent de leur quotidien. Oui, ce n’est pas un quotidien rose et il faut faire preuve de force, mais une vraie joie à l’accueil d’un enfant « différent » est possible. Aujourd’hui, beaucoup font des choix dans la peur. Or, on se rend compte que beaucoup de familles ayant fait le choix de ne pas poursuivre la grossesse ont ce désir d’enfant, et ont une stabilité de vie… Il faut remettre de l’écoute, de la connaissance et des rencontres concrètes autour du handicap pour diminuer l’anxiété des familles. L’association M21 n’est pas là pour juger les choix. Si une femme prend la décision d’avorter ou nous raconte qu’elle a avorté, nous voulons être là pour l’écouter, l’accompagner et répondre à ses questions. Tout l’enjeu est de transformer ce combat et ces angoisses en paix.
Comment se passent les premiers appels ?
Pour l’instant, nous recevons des appels de femmes ayant choisi de garder leur enfant mais qui ont beaucoup de questions, ou qui ont accouché il y a quelques mois mais qui n’ont jamais confié leur histoire, le traumatisme vécu. Elles pleurent souvent au téléphone car elles déposent toutes leurs souffrances. Nous sommes à 4 appels par semaine environ et nous sommes 3 écoutants : Alix, mère d’un enfant polyhandicapé, Antoine, père d’un enfant trisomique, et moi-même. Une psychologue, Thérèse, prend en charge les suivis plus longs. Si on continue sur cette lancée, cela représenterait environ 300 appels par an, c’est formidable ! Le point commun de toutes celles qui nous appellent, c’est la peur. L’anxiété des femmes ou des couples rencontrés est saisissante. Toutefois notre objectif, c’est d’entrer en contact avec les femmes qui hésitent.
Vous faites connaître votre association aux médecins. Quelles sont leurs réactions ?
Aller à leur rencontre est loin d’être évident. J’ai d’abord commencé à les démarcher par téléphone et par mail, et je me suis heurtée à beaucoup de refus. Ce qui est compréhensible car ils sont débordés, et je les sollicite pendant leur temps de travail. Il va falloir être patient…. Je commence à rencontrer personnellement les médecins, et jusqu’à présent, c’est très positif. Nous avons aussi lancé des opérations de tractage avec des bénévoles.
Mais, autrement, j’ai déjà reçu des messages de la part de gynécologues et de médecins me disant qu’ils reconnaissaient ne pas avoir su annoncer un diagnostic de handicap. C’est une démarche humble et touchante. Maintenant, ils savent qu’on peut être là pour eux et prendre le relais auprès des familles. En février 2022, nous irons aux Assises de génétique humaine, qui réunit plus de 1 500 médecins, ça va être une vitrine incroyable pour M21 !
On souhaite vraiment marcher main dans la main avec les équipes médicales. Aux Pays-Bas par exemple, les médecins proposent aux familles de passer quelques heures au sein d’une famille ayant un enfant porteur d’un handicap. C’est incroyable ! Cela permet de ne pas rester dans une peur fantasmée, hors-sol. Et c’est bien ce que nous défendons chez M21 : il faut revenir à ce qu’il se passe réellement dans les familles.
Propos recueillis par Guillemette de Préval, ombresetlumiere.fr – 21 décembre 2021
Informations :
Tél. : 09 86 87 21 01. Du lundi au vendredi, de 9h à 17h.
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