Chroniques
Visages de paix
Il est des personnes dont la seule évocation réchauffe le cœur et la pensée.
Récemment, le père Guy Wernert nous a quittés. Ce prêtre ami de l’association où je travaille allait fêter ses 90 ans. De lui, je sais peu de choses, sinon qu’il aimait les « Christmas carols » britanniques et qu’il partageait volontiers un petit verre. Ce vieux monsieur avait des allures de bon grand-père, petit, les yeux rieurs, le visage paisible. Simple. Quand il arrivait, la paix se faisait. Il aimait profondément les gens et surtout les personnes handicapées.
Ce qui me surprenait le plus chez lui, c’était justement son absence d’étonnement face à ce qui, ordinairement, dérange. Qu’un homme prononce les paroles de la messe en même temps que lui. Qu’un autre chante à tue-tête et à contretemps, ou confie une intention de prière alors qu’il allait commencer l’homélie… Il accueillait nos bizarreries comme si elles étaient normales, en faisait son miel, les intégrait avec bonté au cours de la vie.
Je pense aussi à Marc, un ami atteint d’une maladie psychique qui l’obligeait à suivre un lourd traitement. Régulièrement, Marc venait me rendre une petite visite, s’asseyait dans le fauteuil en face de moi, sans rien attendre d’autre qu’une présence. En parlant de ses limites avec une simplicité sans fard, il m’aidait à regarder les miennes avec bienveillance.
Si le souvenir de ces hommes irradie et apaise, ce n’est pas pour avoir fait preuve d’un brio particulier (et pourtant ils en étaient tout à fait capables) ni pour avoir voulu à tout prix transcender leurs limites. C’est, au contraire, parce qu’ils les ont pleinement accueillies.
Au fond, n’est-ce pas à cela que Jésus nous invite en ce Noël 2020 ?
Dans la crèche, il se fait l’un des nôtres, sans artifice, loin des vains combats ou des faux sourires. Nous avons le droit de chanter de travers, de marcher en biais, de ne pas savoir, de ne pas y arriver, même de pleurer. Nos échecs, nos limites ne l’effraient pas. Il les accepte, et même il nous aime jusqu’à les faire siens. Il nous aime comme nous sommes, pour de vrai… Enfin une vraie, bonne nouvelle !
Cécile Gandon, ombresetlumiere.fr – 21 décembre 2020
Porteuse d’un handicap moteur, Cécile Gandon travaille dans l’associatif. Elle est l’auteur de « Timéo et sa drôle de famille » (Téqui).