Chroniques

Vivre normalement

un couple devant une fenêtre
© Istock photo

C’était il y a un an. Marie Océane est entrée en internat, à l’âge de 26 ans. C’est toute une vie, ou plutôt trois vies qui ont changé alors. Marie Océane a bien sûr réagi à la séparation et au changement en étant plus nerveuse, plus épileptique. Notre fille ne parle pas. Elle ne peut ni poser de questions, ni dire ses appréhensions. Je lui ai bien expliqué que nous l’aimions très fort, que nous avions choisi une Maison d’accueil spécialisée où tous ceux qui étaient autour d’elle voulaient son bonheur, et l’aimer telle qu’elle était… Nous l’appelons deux fois dans la semaine, et, au son de sa voix, je sais comment elle va. On la sent heureuse, détendue, bien.

Il a été difficile de reprendre ma vie, et cela m’a mis plusieurs mois. Je savais qu’il me faudrait du temps, car je ne savais plus vivre « normalement ». J’ai toujours été à 16h à la maison pour le retour de Marie Océane. J’ai toujours démarré mes journées en sachant que tout pouvait être remis en question, annulé en fonction de son état. J’ai toujours appris à faire des choses en fractionnant mon temps. Me voilà tout à coup avec du temps devant moi, personne à surveiller, des matins sans changement d’emploi du temps, des après-midi longues, très longues, des nuits sans réveils à répétition… Il faut que je m’autorise à vivre pour moi, sans elle. Il faut que je réapprenne à partir de la maison.

Tous les frères et sœur de Marie Océane sont partis, pour leurs études puis pour construire leur famille. La vie suit son cours… II était temps que Marie Océane ait à son tour des amis et des activités en dehors de nous. Elle y était prête. Nous sommes encore attentifs à elle, mais savons à présent qu’elle sera aidée pour progresser encore, créer des liens et vivre une vie remplie de fêtes, de projets, tout en étant entourée et aimée telle qu’elle est. Nous travaillons main dans la main avec une équipe qui lui veut du bien. Et ça, ça change tout. Nous avons confiance en eux. Nous pouvons souffler. Enfin !

Caroline Saillet, ombresetlumiere.fr – 5 octobre 2023

portrait de Caroline Saillet

Psychomotricienne par vocation, Caroline Saillet a toujours été proche des personnes porteuses de handicap. Mariée à Hubert Saillet, notre ancien chroniqueur, elle est mère de cinq enfants, dont Marie Océane, polyhandicapée. Bricoleuse, créative, un peu hyperactive, elle dévoile des recoins du quotidien et des réflexions sur le polyhandicap en partant de son expérience.

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