Sur les lèvres

Quand les sous-titres manquent à l’appel

© Istock.

« Ça te dirait d’aller voir les Trois Mousquetaires ? », me demande mon mari. Nous sommes un soir de semaine, je suis fatiguée par ma journée passée au bureau. Mais l’idée d’aller m’asseoir sur les fauteuils rouges me tente bien. Il me propose une séance à 20h.

Seul bémol, le film est français. Et qui dit français dit très souvent, absence de projections sous-titrées. « Tu as trouvé une séance avec des sous-titres ? », je lui demande tout de go. Tout désolé, mon mari me répond qu’il ne trouve pas de projections « avec audiodescription ». Audiodescription ? Mais c’est pour les aveugles et malvoyants !

Je m’esclaffe devant cette confusion. Ce n’est pas la première fois que quelqu’un me parle d’audiodescription ; on pourrait croire, c’est vrai, que cela fait référence aux sous-titres qui « écrivent » les dialogues. Même ceux qui ont beau nous connaître par cœur dans le quotidien, dans nos réactions et envies, s’emmêlent les pinceaux sur le vocabulaire du handicap.

Si je peux entendre certains mots, saisir quelques phrases, comprendre l’ensemble du film, sans les sous-titres les blagues m’échappent, les subtilités de la langue n’existent pas pour moi. « Qu’est-ce qu’il a dit ? Il parle comme un ventriloque, je ne comprends rien… Et là, il est hors-champ, je n’ai pas tout compris ». Je passe la séance à « deviner » ce qui a été dit, en regardant les images ou en interprétant les expressions des personnages. 

Si les cinémas proposent quelques fois des séances sous-titrées, c’est à 15h, un mardi… À croire qu’ils oublient que nous travaillons. Résultat, je connais peu la plupart des films français. Ou alors je les regarde des années après, sur un DVD ou Netflix. Je connais mieux les films étrangers, automatiquement sous-titrés. Étrangement, les sous-titres ne dérangent plus personne ici !

Je rêve d’un monde où je puisse demander des sous-titres sur un film à l’accueil d’un cinéma. Même Allociné omet de donner cette information, pourtant cruciale, pour les personnes malentendantes et sourdes qui souhaitent avoir « la réf » du dernier film. C’est pourtant une démarche toute simple, qui ne dérange personne. Un petit pas de plus vers une société joyeuse et inclusive.

Aliénor Vinçotte, ombresetlumiere.fr – 17 avril 2023

Portrait d'Alienor Vinçotte

Sourde de naissance, Aliénor Vinçotte est diplômée de Sciences Po et journaliste.

Partager