Dossier
« J’ai toujours fait en sorte de ne pas l’infantiliser »
La mère d’Anne a 83 ans lorsqu’elle apprend qu’elle est atteinte de Parkinson. Entre lassitude et lucidité face à cette maladie neurodégénérative, sa fille raconte son quotidien.
Maman a montré les premiers signes de la maladie de Parkinson à 80 ans. Elle était d’un tempérament anxieux, mais c’était une battante, pour qui il fallait toujours aller de l’avant. Son tempérament a commencé à se modifier. Avec mes frères et sœur, nous la trouvions plutôt triste, très fatiguée ; elle avait une écriture moins facile. Nous l’avons signalé à papa, mais il la protégeait et faisait le dos rond. Il est décédé subitement. Nous nous sommes dits que nous ne pouvions pas laisser maman comme ça. Son médecin traitant disait qu’elle manquait de vitamines, sans chercher plus loin. Je l’ai alors amenée voir une de mes filleules gériatre. Une IRM et une prise de sang ont permis de diagnostiquer un début de maladie de Parkinson. Maman avait 83 ans. Elle était à la fois triste de ce diagnostic, et en même temps soulagée de comprendre son état. Son veuvage récent a certainement rendu le diagnostic plus dur. De mon côté, j’étais très soulagée car elle en souffrait.
Maman a aujourd’hui 89 ans. Sa maladie a évolué. Au début, elle arrivait à se gérer seule. Elle vit toujours chez elle, mais elle a besoin maintenant d’une assistance 24 heures sur 24. Tous les deux mois, elle voit la gériatre, qui surveille attentivement son poids pour qu’elle n’en perde pas trop. En fonction de l’évolution de la maladie, celle-ci augmente la dose de L-dopa (médicament qui permet de compenser le manque de dopamine dans le cerveau, ndlr). Je vois bien qu’elle fait très attention à garder une marge de manœuvre, pour qu’on ne se retrouve pas trop vite au stade où l’on ne pourra plus augmenter la dose. J’accompagne toujours maman à ses rendez-vous médicaux. C’est moi qui pose les questions, donne des indications sur son état. Elle, ce serait plutôt : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Quand il y a un changement dans le traitement, elle est néanmoins impatiente de voir les effets bénéfiques, -marche plus facile, meilleur appétit. Elle ne sort quasiment plus de chez elle mais, depuis le début, elle est suivie par un kiné et une orthophoniste. J’ai toujours fait en sorte de ne pas l’infantiliser. Ce n’est pas un service à lui rendre de tout faire à sa place. Je tente de la laisser le plus autonome possible.
Pleinement dans la vie
Désormais, les troubles cognitifs commencent à s’installer. Maman a une mémoire ancienne très fine et astucieuse, mais elle n’enregistre pas les informations récentes. Il est difficile pour nous de savoir ce qui est du ressort de la maladie ou de la vieillesse. Je pense que la maladie accélère des défaillances liées à la vieillesse. Les après-midis sont plus dures. À cause de son traitement, elle souffre d’une grande somnolence. À partir de 15 heures, elle a des « coups de barre » qui peuvent durer quatre heures. Elle a néanmoins conservé un esprit vif. Elle lit des journaux, me pose des questions sur l’actualité. Elle attend son Famileo, une gazette avec des photos familiales, avec grande impatience. Elle se réjouit des visites de ses enfants et petits-enfants, des coups de téléphone de ses vieilles amies. Elle est toujours contente quand nous sommes là, même si, parfois, son visage figé peut nous faire croire qu’elle fait la tête. Il n’en est rien, c’est juste dû à la maladie. Une certaine lassitude fait parfois surface. Elle a eu autrefois une vie très riche, très active, alors cette perte d’autonomie est douloureuse. Je pense qu’aller voir un psychologue pour mettre des mots sur ce qu’elle vit pourrait l’aider, mais il en est hors de question. Elle fait partie d’une génération où les psys, c’est pour les fous. Je la trouve très courageuse, dans l’acceptation. Elle est pleinement dans la vie. Elle répète à qui veut l’entendre qu’elle souhaite connaître le successeur de Macron, celui du pape François et suivre les Jeux Olympiques à Paris en 2024 !
Recueilli par Christel Quaix, ombresetlumiere.fr – 2 mars 2023
A lire, le dossier « Parkinson, une vie à tâtons », Ombres & Lumière n° 252 (mars-avril 2023).