Sur les lèvres

S’engager

Des louveteaux avec une cheftaine.

Le mot « engagement » fait peur : peur de ne pas être à la hauteur, peur d’échouer, peur de prendre des responsabilités et de ne pas savoir les assumer. On reste finalement dans notre zone de confort, sans trop mettre le nez dehors.

J’enviais pourtant mes amis devenus chefs et cheftaines qui prenaient leurs responsabilités dans le scoutisme, qui s’engageaient corps et âme auprès des plus jeunes. « Ce n’est pas pour moi », me disais-je. Il y avait déjà fort à faire avec la poursuite des études. J’aspirais pourtant à m’engager, à me tourner vers les autres. Mais comment ? Trop d’obstacles à la communication allaient me freiner dans ma mission de cheftaine. Ça allait me renvoyer à ma fragilité, mon impuissance, ma fatigue.

Et pourtant… on finit par y aller. L’appel se fait sentir, on se sent d’y répondre, on ose enfin y aller. Ma mission de cheftaine pendant deux belles années au service de jeunes filles de 17-18 ans, qui sont devenues comme des petites sœurs pour moi, a été une révélation. L’engagement fait pleinement réaliser la mesure de ce qu’on est, on est même surpris par nous-mêmes. J’ai compris qu’en se donnant aux autres – et en se décentrant – on allait aussi à la rencontre de soi-même.

Cette mission accomplie, je pensais définitivement raccrocher le foulard. Mais l’équipe nationale des guides-aînées, branche des 17-25 ans, m’a ensuite appelée pour une mission d’une autre dimension avec une responsabilité plus élevée : celle de faire partie de l’équipe d’organisation des feux de Toussaint, événement qui rassemble toutes les guides-aînées et cheftaines du mouvement des Scouts Unitaires de France (SUF) venues de tous les coins de France. Allais-je être à la hauteur ? Il y avait tant de choses à préparer en amont ! J’ai finalement accepté, décidant que mon oui soit pleinement un oui.

Ce fut finalement trois jours intenses au service de 900 guides aînées, avec des levers à 5h du matin, des couchers tardifs, sous la pluie, dans la boue, sous le soleil, à m’occuper de la logistique des 30 aumôniers scouts venus, à accueillir les grands témoins qui ont accepté notre invitation, et à renseigner chacun (au téléphone avec transcription écrite !) pour la suite des activités.

J’ai pu me donner à la mesure de mes ressources, avec comme récompense la joie qui montait au cœur de tous ceux qui étaient là. Bien que fatiguée, j’étais heureuse et bien à ma place, me révélant pleinement dans cet engagement, sourde ou pas.

Aliénor Vinçotte, ombresetlumiere.fr – 15 novembre 2021

Portrait d'Alienor Vinçotte

Sourde de naissance, Aliénor Vinçotte est diplômée de Sciences Po et journaliste.

Partager