Le Reflet, au chevet des étudiants

Inès avec deux étudiants
© Guillemette de Préval / Ombres & Lumière.

Depuis la fin janvier, le restaurant Le Reflet, à Paris, qui emploie des personnes handicapées mentales, propose des menus à 1€ symbolique pour les étudiants. Un coup de pouce qui met du baume au cœur pendant cette crise sanitaire. Et surtout, une occasion de rencontres. Reportage.

En cuisine, chacun s’affaire aux derniers détails. Il est 11h ce jeudi 6 mai et, dans une heure, les premiers clients arriveront au restaurant Le Reflet, dans le 3e arrondissement de Paris. Des clients pas tout à fait comme les autres dans un restaurant pas tout à fait comme les autres non plus. Car c’est aux étudiants, heurtés de plein fouet par la crise du coronavirus, que cette adresse qui emploie des personnes avec un handicap mental a choisi de cuisiner des repas à emporter pour la symbolique somme de 1 €.

© G de Préval / Ombres & Lumière

Fabrice, chef pâtissier de l’équipe, en a eu l’idée, en janvier, après avoir vu l’initiative fleurir dans un restaurant similaire au leur, à Lièges. « Cela correspondait à nos valeurs et puis, l’hiver commençait à devenir long pour les salariés désœuvrés par la fermeture forcée des restaurants », explique Olivier Vellutini, responsable du restaurant. Un projet gagnant-gagnant donc.

« ça me plaît beaucoup d’aider les étudiants ! », s’enthousiasme Inès, dynamique jeune femme trisomique de 23 ans, tout en refermant les dernières boîtes de repas. A ses côtés, il y a Vincent et Cyril, également porteurs de trisomie 21, tout aussi heureux de pouvoir mettre la main à la pâte dans cette crise sanitaire : « J’ai envie de faire ça pour les étudiants ! », lance Vincent, tout en épluchant des pommes.

Et depuis trois mois, chaque jeudi et vendredi, le public visé est bien au rendez-vous. « Les premiers jours, plus de 150 repas ont été distribués. Ce n’était pas un rythme tenable donc on a établi des quotas », raconte Olivier Veloutine. Chaque lundi, il ouvre les réservations sur internet, vers midi, pour 50 repas. « En 5 minutes, les réservations sont complètes ! »

A peine midi sonné, une petite file se dessine déjà dans la rue, sous une fine pluie. La plupart sont des habitués. C’est Inès qui accueille ce petit monde à l’entrée. Une étudiante s’avance, un écouteur encore dans l’oreille et téléphone en main pour continuer de suivre un cours à distance, rituel devenu si courant pour de nombreux étudiants depuis le début de la crise.

Mousseline de carotte à la truffe, poire pochée au chocolat… Les menus proposés sont « quasi du gastronomique ! », se réjouit Lance sortant du restaurant le repas en main. Cet étudiant anglais venu à Paris pour un master de littérature a eu vent de l’initiative via Facebook. Il vient depuis deux mois environ. Pour celui qui, hors Covid, arrondissait ses fins de mois par des baby-sittings et des cours d’anglais, ce rendez-vous « fait du bien ».

© G de Préval / Ombres & Lumière

Pour Laure, étudiante en histoire, c’est presque plus le côté humain que financier qui l’a conquise. « En cette période, une intention comme celle-ci est réconfortante. On pense à nous », développe celle qui va aussi chercher des repas dans un autre endroit à la Butte aux Cailles, au sud de Paris. Pour la jeune femme, ces repas ont été une découverte du handicap dans le monde de la restauration : « J’y reviendrai pour y prendre un vrai repas et les remercier ! »

Marcel aussi s’est promis d’y emmener sa famille, lorsque les restaurants réouvriront, mi-mai en extérieur et mi-juin en intérieur. Ce doctorant en philosophie originaire du Brésil a grandi aux côtés de son oncle, porteur de trisomie 21, aujourd’hui décédé. « Là-bas, il n’y avait pas de propositions pour les personnes comme lui. En voyant les serveurs de ce restaurant, aussi heureux de travailler, cela me touche. Et je me dis que mon oncle aurait pu en faire autant ! »  

Guillemette de Préval, ombresetlumiere.fr – 07 mai 2021

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