Un pas de biais

Repos !

une femme se reposant.
© Istock.

Un jour, une de mes amies a fait preuve d’une très grande délicatesse. J’avais bien envie de la voir, de passer du temps avec elle, seulement, j’ai un immense besoin de repos. Quand je dis immense, je ne mens pas : dix heures par nuit, c’est mon minimum. Et sieste obligatoire les week-ends.

J’hésitais donc à l’inviter, calculant déjà intérieurement que, si elle arrivait à telle heure, il ne me resterait plus que tant d’heures de sommeil… Devinant mes pensées, elle a eu la délicatesse de prendre les devants : « Ne t’inquiète pas, me dit-elle, j’emporte mon réveil, et quand il sonne l’heure de partir, je pars ». Quel soulagement pour moi de savoir que j’allais être respectée dans mon rythme, sans avoir à expliquer, à me justifier, ou à tirer sur la corde tout en faisant bonne figure.

S’il y a bien une chose à laquelle mon handicap me rend particulièrement sensible, c’est à la nécessité du repos. J’ai une grande compassion pour les jeunes mamans aux nuits hachées par les tétées, pour les professionnels angoissés qui ne trouvent plus le sommeil et qui doivent pourtant continuer à vivre.

Il n’est pas toujours si facile de rester à l’horizontale, de laisser le temps couler, de se dire : « Je lâche – advienne que pourra » – surtout quand on a charge d’âmes. Il n’est pas si facile non plus, de renoncer à ses désirs – dont certains nous semblent essentiels : le contact humain, après 18h par exemple – pour accepter de ne rien faire, et de croire que le « rien » peut être porteur d’autre chose.

Loin de faire l’apologie du farniente, j’ai plutôt envie d’interroger : d’où vient cette difficulté chronique à se poser, à se reposer ? D’où vient que nous soyons capables dans le même temps de dire « Je n’en peux plus » et de chercher toujours plus d’activités nouvelles ? Chacun aura sa réponse personnelle. Les personnes fragiles font en tout cas l’expérience d’un chemin de sagesse qui peut certainement être source d’inspiration pour tous.

Cécile Gandon, Ombresetlumiere.fr – 23 mars 2021

Porteuse d’un handicap moteur, Cécile Gandon travaille dans l’associatif. Elle est l’auteur de « Timéo et sa drôle de famille » (Téqui).

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