Une rando pour les papas
Nicolas Entz : Près de 4 millions de personnes ont regardé sur M6 le téléfilm « apprendre à t’aimer » sur la trisomie 8 septembre. On y découvre, entre autres, que le chemin peut être difficile pour le papa de la personne handicapée !
« C’est lourd, c’est difficile d’être père. Mais choisir de l’être, c’est cela choisir d’être un homme ». L’écrivain Martin Gray a dit cela.
Eh bien Nicolas, je peux vous dire qu’effectivement, quand l’enfant est handicapé, c’est encore plus lourd et plus difficile d’être des papas !
Je pense à Paul. Papa d’un enfant handicapé mental, il me disait son effondrement total à l’annonce du handicap, après la naissance de son fils Xavier. Un séisme ! Le fils tant attendu, mis sur un piédestal, devenait soudain le symbole d’un échec, son échec ! Envie de mourir, d’éliminer son fils, de tout quitter. Il a fui dans son travail. « Le malheur- dit-il- est entré dans la maison »
Nicolas Entz : Les papas d’enfants handicapés se reconnaitraient dans l’histoire de Paul ?
Oui, Nicolas, cette histoire douloureuse n’est pas exceptionnelle. Beaucoup de papas d’enfants handicapés, quel que soit le handicap, pourraient en témoigner: le monde intérieur et l’image de soi qui s’écroulent, et avec eux les repères d’époux et de père. Les tentations de rejet de l’enfant, de fuir, la honte, la culpabilité. Comme si la vie même de l’enfant introduit un sentiment de mort.
Le père a besoin de temps ! Il a d’abord besoin de dire sa colère. Être écouté dans sa souffrance, ses tentations qui sont légitimes. Alors peu à peu, il peut accueillir le réel, faire le deuil de l’enfant rêvé, et choisir d’être père. Il voit de moins en moins le handicap, il se réjouit des progrès. Les pardons se donnent. Le père peut alors entrer progressivement dans son rôle. Mystérieusement, il peut découvrir que cet enfant tire de son cœur de père tout l’amour dont il ne se croyait pas capable.
C’est d’ailleurs ce qu’a montré si bien le téléfilm sur M6 que vous évoquiez. Il a été très regardé, et c’est tant mieux !
Nicolas Entz : On comprend donc qu’il faut du temps au papa !
Oui, Nicolas, c’est l’affaire de toute une vie ! Et surtout c’est rarement possible seul. On a besoin des autres. Et notamment d’autres pères qui vivent la même chose. C’est pour cela que l’OCH organise tous les ans une rando des papas d’un enfant handicapé ou malade. La prochaine a lieu le samedi 3 octobre, dans une quinzaine de régions partout en France à découvrir sur le site de l’OCH.
Marcher ensemble, tout un symbole ! Echanger dans un climat bienveillant, nos histoires, nos souffrances, nos espérances. C’est une opportunité à faire connaître aux papas qui sont concernés, que nous connaissons.
Patrick, qui participait à une précédente rando, a dit : « Je suis venu à une rencontre de pères, je repars avec des frères ». C’est peut-être ça aussi un don de nos enfants handicapés : éveiller nos cœurs de pères et faire de nous des frères.
Philippe de Lachapelle sur Radio Notre-Dame – 22 septembre 2020