Epilepsie, une maladie ancienne à sortir de l’ombre
SM : On le sait, l’épilepsie est une maladie très ancienne. On en parle même dans l’Evangile. Ce n’est pas pour autant que l’on connait bien ce mal qui touche pourtant beaucoup de monde
« Subitement, quelque chose sembla s’ouvrir devant lui. Une extraordinaire lumière intérieure qui illumina l’âme. » Ces mots sont de Dostoïevski, dans l’Idiot, qui décrit ainsi le début d’une crise d’épilepsie. « Cette sensation dura une demi-seconde, -continue-t-il- et pourtant, il garda un souvenir net et conscient du commencement, du cri atroce qui s’échappa de sa poitrine et qu’aucun effort de sa part n’aurait pu arrêter. Puis la conscience s’éteignit en lui, et ce fut la nuit totale ». Le grand auteur russe souffrait lui-même de ce qu’on nommait alors « le haut-mal ». Comme d’autres avant lui, Socrate, César, Molière, Napoléon… Et après lui Van Gogh, Lénine, Agata Christie, ou encore le chanteur Prince.
SM : mais qu’est-ce que l’épilepsie, qu’est-ce que ça provoque chez le sujet qui en est atteint ?
L’épilepsie est une maladie neurologique, Simon. Elle se caractérise par une décharge d’influx nerveux anormaux dans le cerveau. Les crises, partielles ou étendues selon les situations, pourront provoquer des pertes d’attention, de la mémoire, de la conscience, des mouvements anormaux ou encore des convulsions plus ou moins sévères, comme pour Dostoïevski. Il existe une quarantaine de formes différentes formes d’épilepsie.
SM : Et l’épilepsie touche beaucoup de monde ?
Beaucoup, Simon ! Près de 600 000 en France ! Et pourtant on en parle bien peu, et c’est bien dommage. Car beaucoup d’idées fausses et de peurs circulent à son sujet. Un peu de clarté aiderait à surmonter les difficultés qui peuvent se poser.
Car si on écoute les patients, le plus difficile n’est pas la crise elle-même. C’est hélas encore et toujours la stigmatisation que la maladie provoque, qui fait qu’on préfère la taire. Sophie se souvient en avoir parlé lors d’un entretien d’embauche : « mon interlocutrice s’est mise à écrire nerveusement, sans plus pouvoir lever le nez de sa feuille… Un grand malaise planait » se souvient-elle mi-amusée de cet entretien qui n’a débouché sur rien.
Or, on peut être épileptique et mener une vie tout à fait normale, sur tous les plans. En témoignent nos illustres prédécesseurs. A fortiori aujourd’hui, avec les progrès de la médecine. Mais il manque une véritable politique publique en la matière, que les associations de patients appellent de leurs vœux, en dénonçant une forme d’apartheid envers les personnes épileptiques. Un phénomène hélas pas nouveau. Déjà dans l’Evangile, Jésus ne cesse de guérir des personnes épileptiques que l’on pensait possédées et qui étaient mises au ban de la société.
Philippe de Lachapelle sur RCF – 28 décembre 2020