ESAT : pour une véritable inclusion professionnelle
Clara : On les appelait autrefois CAT, on dit maintenant ESAT. Ce sont des établissements d’emplois protégés pour personnes handicapés. Ils sont gravement mis en cause par un livre-enquête :
« Des usagers se sentent pressés, abusés, déconsidérés, et tout ça pour un salaire de misère ». Les mots de Thibault Petit sont durs, dans l’interview qu’il donne sur le site handicap.fr. Il y parle du livre qu’il vient de publier aux éditions Les arènes, « Handicap à vendre ». C’est le résultat de six années d’enquête sur les rouages du travail en ESAT – comprenez « Etablissement et services d’accompagnement par le travail ». Ces ESAT sont des établissements médico sociaux qui offrent aux personnes handicapées des activités diverses à caractère professionnel et un soutien social et éducatif, en vue de leur épanouissement personnel. Il y a environ 1400 ESAT en France, pour 120 000 personnes handicapées accompagnées. La plupart du temps, ces ESAT travaillent pour des entreprises donneuses d’ordre, dans des métiers aussi divers que le conditionnement, l’entretien d’espaces verts, ou activités de sous-traitance.
Clara : Que reproche Thibault Petit aux ESAT ?
Tout simplement d’avoir perdu leur vocation sociale, Clara, au profit d’une logique de plus en plus productive et rentable. Pour cela, ils n’hésiteraient pas à se débarrasser des travailleurs les moins productifs, au profit de ceux qui seraient plus rentables : cadences difficiles à tenir, salaires faibles pour des travailleurs sans défense, subventions et exonérations fiscales avantageuses pour l’ESAT et le donneur d’ordre, qui en tireraient profit, tout cela au détriment du travailleur en situation de handicap. Tableau sombre et scandaleux donc !
Clara : Ce constat est-il largement partagé ?
Non, Clara. Les associations gestionnaires d’ESAT se sont élevées avec force contre ce livre-brulot : « Ce livre a été écrit sur la base d’une enquête dans 8 ESAT sur 1400 » s’agace dans la revue Ombres et Lumière le vice-président de l’UNAPEI, qui déplore une généralisation abusive. Il salue la qualité de l’accompagnement des ESAT en général, pour des personnes qui, sans cela, resteraient loin de l’emploi. Il reconnait des dérives possibles, mais rares. Pour autant, il nomme les points de progression indispensables : développer la fluidité entre milieu protégé et ordinaire, donner des droits supplémentaires aux travailleurs handicapés, modifier les garanties de ressources pour qu’il y ait une réelle incitation au travail en entreprise ordinaire. Autant d’objectifs portés par une réforme en cours de préparation.
C’est à ces conditions que les ESAT demeureront un dispositif clef pour que les personnes en situation de handicap puissent s’engager dans un parcours professionnel. Ce livre de Thibault Petit, avec ses excès, aura eu le mérite de rappeler l’urgence de cette réforme !
Philippe de Lachapelle sur Radio Notre-Dame – 07 juin 2022