Frères et sœurs, un amour encombré

Une femme et sa sœur se regardent.
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VD : C’est un sujet que l’on n’aborde peu. Ou pas. Comment grandir aux côtés d’un frère ou d’une sœur en situation de handicap ? Comment trouver sa place dans une fratrie marquée par la maladie ou la fragilité d’un des siens ?

« J’ai pris conscience petit à petit que j’en portais trop lourd, depuis trop longtemps. Mon enfance m’avait échappé ». Céline a quarante ans environ, qui parle ainsi. Elle est mère de cinq enfants ; c’est d’ailleurs l’arrivée de ses premiers enfants qui lui a fait prendre conscience que Camille, sa sœur cadette handicapée avait été un poids pour elle depuis les tous débuts : « à leur naissance, j’ai compris que j’étais déjà responsable de plus petit que moi depuis belle lurette ». Elle se souvient qu’en maternelle déjà, elle défendait sa sœur contre les moqueurs, elle anticipait ses besoins, et cette attitude de protection a duré à toutes les étapes de la vie : « J’ai pris Camille sous mon aile. A la mort de ma mère, il est devenu évident pour tous que j’allais être responsable de son avenir. Je n’avais pas le choix ».

C’est en en parlant avec d’autres frères et sœurs d’une personne handicapée que Céline a pu mettre des mots sur cette relation complexe avec sa sœur, comprendre combien sa relation avec Camille était un amour encombré, et découvrir que la meilleure façon de l’aimer était de s’autoriser à être heureuse, à construire sa vie.

VD : Pas le choix, sauf que c’était trop lourd pour elle !

Oui Valentin. A tel point qu’elle se sentait prise dans des sentiments contradictoires à l’égard de sa sœur handicapée : « Il m’est arrivé plus d’une fois de souhaiter qu’elle disparaisse… Heureusement, mon mariage m’a entrainée à suivre mon mari, et à m’éloigner de Camille. J’ai découvert une nouvelle façon de l’aimer, sans me laisser envahir par la culpabilité »

C’est en en parlant avec d’autres frères et sœurs d’une personne handicapée, lors d’une rencontre organisée par l’OCH, que Céline a pu mettre des mots sur cette relation complexe avec sa sœur, comprendre combien sa relation avec Camille était un amour encombré, et découvrir que la meilleure façon de l’aimer était de s’autoriser à être heureuse, à construire sa vie. Aujourd’hui, Céline a une relation harmonieuse avec sa sœur. Elle lui est reconnaissante de lui avoir permis une grande maturité et une grande capacité d’écoute.

VD : Ce que décrit Céline est-il exceptionnel, ou finalement assez fréquent chez les frères et sœurs de personnes en situation de handicap ?

C’est assez symptomatique de ce que vivent nombre d’entre eux. Malheureusement, la plupart pensent qu’ils sont seuls à avoir ces sentiments paradoxaux, faits d’amour et de colère, de culpabilité. Ils n’ont personne à qui en parler . « Mes parents portaient tellement lourd, je n’osais pas leur dire que moi aussi, je souffrais ».

C’est pour eux, que l’OCH organise une rencontre nationale des frères et sœurs, en visio, le samedi 22 janvier matin. De 12 à 77 ans ! Et l’après-midi, les plus jeunes, de 7 à 11 ans, se rencontreront sur place, à Paris et à Marseille, parce que plus on en parle tôt, moins l’amour sera encombré. Toutes les informations sont sur www.och.fr . Faire savoir ces rencontres à ces frères et sœurs peut leur être salutaire, comme en témoigne Céline.

Philippe de Lachapelle sur Radio Notre-Dame – 11 janvier 2022

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