Handicap et écologie
Antoine Bellier : On va parler avec vous d’un thème majeur, on en parle beaucoup sur RCF et ailleurs : l’écologie. Tout le monde est impliqué dans l’écologie, y compris les personnes qui ont un handicap et sont concernées par cette thématique.
Philippe de Lachapelle : Nous sommes tous concernés ! Mais mon sentiment – et c’est ce que révèle Ombres & Lumière, qui a fait un dossier sur ce sujet – c’est que ces personnes qui ont un handicap nous devancent peut-être sur ce sujet. Elles ont une expérience qui est utile à écouter sur le champ de l’écologie.
AB : Quelle est l’expérience des personnes ayant un handicap sur ce thème de l’écologie ?
PdL : Quand le handicap arrive dans une vie, ce n’est jamais prévu et donc c’est un basculement. Dans ce basculement, ces personnes font l’expérience de choses qui sont au cœur des enjeux écologiques. Par exemple la question de la limite : on est bien devant l’action de la limite de la planète. Hors les personnes handicapées, et leurs familles aussi, font l’expérience de la limite humaine. La limite humaine et la limite de la planète sont deux choses à prendre ensemble.
Le Pape François le dit très bien dans Laudato Si. Nous sommes dans un temps effréné dans notre société moderne, il faut toujours produire plus. Or le temps avec un handicap est un temps lent. Et ce temps lent est vertueux parce qu’il nous met en possibilité de faire le choix de l’essentiel. L’écologie, c’est bien ça justement : aller vers l’essentiel. Qu’est-ce qui nous rend plus humains ? Qu’est-ce qui fait qu’on va être plus heureux ? En renonçant parfois à des choses qui sont tout à fait accessoires qui ne nous rendent pas plus heureux.
AB : Mais il faut passer par un certain creusé, ce n’est pas facile de ralentir. Vous parliez du fait de ralentir mais il y a aussi d’autres exemples à prendre. Les personnes qui ont un handicap nous apprennent beaucoup de choses, mais cela passe, pour reprendre un thème chrétien, par la croix.
PdL : Oui, cela passe par un renoncement. Mais un renoncement qui conduit à la joie. C’est-à-dire qu’il n’y a pas de croix sans résurrection dans la vie chrétienne. Et de ce fait, l’expérience que Ombres & Lumière a pu faire en interviewant, c’est de constater que souvent au bout de ce chemin un peu douloureux, il peut y avoir une joie profonde. Et là encore on est au cœur de ce que Laudato Si nous dit.
Le Pape François nous laisse entendre que quand le cœur est vide, on est dans une course effrénée à la consommation, on épuise la planète. On peut comprendre à contrario que quand le cœur est plein, on est dans un rapport apaisé à l’autre, à soi-même, à Dieu, à la nature. Et c’est ça l’enjeu que beaucoup de personnes handicapées vivent. Si la rencontre n’est pas au cœur de leur vie, effectivement le cœur est vide et elles ne sont pas mieux que vous et moi. Si par contre la rencontre est là, non seulement, elles seront elles dans quelque chose de vertueux mais elles nous mettront tous dans quelque chose de vertueux pour comprendre que l’essentiel ce n’est pas d’avoir toujours plus, c’est d’être mieux avec moins.
AB : Pour citer le Pape François dans Laudato Si, « quand on ne reconnaît pas la valeur d’un pauvre, d’un embryon, d’une personne en situation de handicap, on écoutera difficilement les cris de la nature elle-même, tout est lié ». Cette thématique là, on peut la retrouver et la lire dans le dernier numéro 237 de la revue Ombres & Lumière, dans ce dossier qui est consacré à l’écologie.
Philippe de Lachapelle sur Radio Chrétienne Francophone – 31 août 2020