Une vie de maman

Impressionnant

une petite fille se cachant derrière un arbre pendant que son frère court devant.
Visual_Intermezzo / Istock

Assis en contrebas du jardin, Paul transvase des petits cailloux. Il gratte la terre tranquillement, seul, en vocalisant. Sur la terrasse, ses jeunes cousins discutent : « Cap ou pas cap d’aller toucher Paul ? » Un peu d’hésitation, puis une main se lève et la seule fille du groupe, dressée sur la pointe des pieds, annonce dans un souffle : « Moi j’y vais ». Elle dévale le chemin à toutes jambes, touche rapidement le bras de Paul et remonte en courant sans se retourner. Toute rouge, elle se campe devant les autres, qui ne cachent pas leur admiration. Son frère ose alors : « J’suis cap si tu viens avec moi », et ils se mettent à courir en direction de Paul, encouragés par la bande assise sur la balustrade. Mais, alors que l’exploit est à portée de main, Paul se lève d’un bond et s’avance vers eux. Demi-tour immédiat ! Les deux courageux et leurs compères s’enfuient le plus vite possible, effrayés par la démarche étrange et les moulinets de leur grand cousin.

Le handicap n’impressionne pas que les enfants. Les adultes aussi aimeraient prendre leurs jambes à leur cou, quand la bienséance les oblige à faire bonne figure au contact de personnes marquées dans leur corps ou leur esprit. Et ce n’est pas parce que l’on côtoie une personne handicapée, même très proche, que l’on est à l’aise avec les autres… Moi-même, je suis impressionnée par les personnes très dépendantes ; intimidée et maladroite avec des personnes poly handicapées. Je culpabilise en voyant que je reste parfois bloquée. Car il est périlleux de s’approcher, osé, de rentrer en contact.

Au soir de sa vie, saint François se rappelle le geste fou qui l’a dépassé le jour où il a sauté de son cheval, a pris sur lui sa répugnance et a embrassé un lépreux. Ce baiser n’était pas une conséquence de sa foi. Il en était l’origine. S’approcher et aimer les personnes les plus vulnérables est très risqué. Cela peut nous transformer tout entier. Le voulons-nous ?

Marie-Amélie Saunier, ombresetlumiere.fr – 29 juin 2022

portrait de Marie-Amélie Saunier

Marie-Amélie Saunier vit à Lyon. Elle est mère de quatre enfants, dont Paul, atteint d’autisme.

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