Informations préoccupantes abusives

Une mère aide son fils pendant une thérapie de tdah.
Mother and and little boy in red sweater learn by drawing during ADHD therapy

Nicolas Entz : Quand on pense un enfant en danger ou en risque de danger au sein de sa famille, on peut transmettre une alerte auprès d’une cellule spécialisée. Le problème, c’est que les critères sont très flous, et les risques de dérives nombreux, sur lesquels vous nous alertez ce matin, Philippe.

« Alors que mon fils n’était pas encore diagnostiqué autiste, quel choc d’apprendre qu’il était considéré comme dangereux ! ». Cathy se souvient en ces termes de la violence qu’elle a subie quand son fils, Theo, a fait l’objet, de la part de son école, d’une « IP », comprenez « information préoccupante ». Son comportement déroutait les enseignants, qui ont pensé que c’était sans doute le fait d’un conflit parental, d’où l’IP. Il n’en était rien. C’était juste son handicap jusqu’alors ignoré qui en était la seule cause.

Nicolas Entz : De quand date l’Information Préoccupante, et ces IP sont-elles nombreuses ?

L’IP a été créée en 2007, qui permet, vous l’avez dit, Nicolas, à une cellule spécialisée de se saisir des situations ainsi déclarées. Il s’agit, on le comprend bien, de protéger les enfants, handicapés ou non, de risques de maltraitance. Le nombre d’IP ne cesse d’augmenter depuis lors, et notamment concernant des enfants handicapés. Selon la Fnaseph, fédération agissant pour la scolarisation des enfants handicapés, les familles ayant un enfant handicapé pourraient être sept fois plus souvent l’objet d’une IP que les autres ! Hélas trop souvent pour de mauvaises raisons. Dans un rapport de 2015 à l’intention du défenseur des droits, la Fnaseph expliquait avoir recueilli de nombreux témoignages où l’IP était manifestement abusive. Et de donner des exemples où, en cas de tension entre les parents et l’institution scolaire, l’IP se transforme -je cite- « en une arme pour obtenir l’exclusion de l’enfant handicapé du système scolaire. On est loin du « risque de danger », est-il écrit- ni même d’une quelconque considération relative à l’intérêt de l’enfant »

Nicolas Entz : On imagine que pour la famille, une information préoccupante, c’est brutal ?

Oui, Nicolas, et quand c’est abusif, c’est même violent, du début à la fin : « Une fois que l’IP est ouverte, la machine infernale est lancée » témoigne Myriam, maman dont deux enfants handicapés ont ainsi été victimes de signalements abusifs par leur école. Parents suspectés, intrusion des enquêteurs dans la vie intime, culpabilisation, peur du placement de l’enfant, l’IP devient une véritable humiliation, dont on sort laminé, même quand ça finit bien !

Alors même que ces familles sont déjà éprouvées par le handicap de l’enfant, les voilà soupçonnées d’incompétence parentale, et soumises à l’arbitraire de personnes qui ne connaissent souvent pas le handicap. L’information qui devrait nous préoccuper, Nicolas, c’est la maltraitance au quotidien que vivent ces familles, du fait des défaillances et insuffisances des prises en charges en tous genres, qui les oblige à sacrifier leur vie, et à naviguer à vue dans un environnement souvent hostile, au prix d’un épuisement qui est source de tous les risques, pour elles, comme pour l’enfant !

Philippe de Lachapelle sur Radio Notre Dame – 16/03/2021

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