Journalistes et autistes
Chronique de Florence Gros, directrice de la Fondation OCH, sur RCF – 30 avril 2024
A votre avis Bruno, que peuvent avoir vécu de commun, Dany Boon, François Cluzet, Christiane Taubira, Emmanuel Macron, Jonathan Cohen, Virginie Effira … Toutes ces personnalités ont fait des rencontres inattendues, et cette fois-ci l’OCH n’y est pour rien ! Elles ont été possibles grâce à l’émission « Les rencontres du Papotin ». Un samedi par mois sur France 2, à 20h30, vous pouvez suivre cette émission atypique composée d’une personnalité singulière interviewée sans filtre par des journalistes non professionnels, porteurs de troubles du spectre autistique. Les règles du jeu sont simples : on peut tout dire au Papotin, mais surtout, tout peut arriver ! ». Et c’est vrai !
Bruno : Comment est née cette étonnante émission ?
Le Papotin était d’abord un journal à parution annuelle, réalisé depuis 1990 par un groupe de personnes autistes de la région parisienne, sous l’égide d’un rédacteur en chef psychologue. Cette joyeuse bande a été repérée par les réalisateurs Eric Toledano et Olivier Nakache (souvenez-vous Intouchables, Hors Norme). Ils ont été tout simplement touchés par cette rencontre. Ils en témoignent d’ailleurs en disant : « L’originalité de leurs questions et la fraicheur de leurs regards nous ont bouleversés. Nous avons toujours pensé qu’il y avait matière à une émission formidable ». Entre les premières idées et la première diffusion, il s’est écoulé trois ans de réflexion et d’essais parce que, comme le souligne Julien Bancilhon, le rédacteur en chef de l’émission : « Le papotin, c’est difficile à cadrer, on ne peut pas décider des questions précises ». Depuis septembre 2022, cette troupe officie à la télévision sur un créneau horaire très enviable et avec beaucoup de succès : 3 millions de téléspectateurs en moyenne !
Bruno : Un programme audacieux et réjouissant. Qu’est-ce qui frappe le téléspectateur ?
Ces regards croisés sur la vie et sur le monde sont profondément humains et il s’en dégage une vraie liberté de parole. Vous serez saisis par les interactions qui jaillissent entre les journalistes et l’invité. Pendant 30 minutes, les questions qui fusent sont originales, un peu décalées, parfois drôles ou tendres, et toujours directes. En conséquence, la star est mise sur le gril de la spontanéité et de la simplicité. Quand l’un des journalistes demande à Gilles Lelouche : « tu aimes le cassoulet » ou à Emmanuel Macron« quelle est ta plus grande peur en tant qu’Emmanuel ? », on comprend que ces journalistes amateurs s’intéressent d’abord à chaque personne, à ce qu’elle est, à ce qu’elle vit. Et quand ils s’adressent à Ginette Kolinka, survivante du camp de concentration d’Auschwitz, c’est de la bonté, voire de la compassion que vous lisez chez ces journalistes. Cette émission met en lumière des personnes en situation de handicap d’ordinaire peu visibles à la télévision, capables de nous faire passer par toutes les émotions. Et cela dans une ambiance joyeuse ou grave selon les sujets. Ces journalistes atypiques nous mettent en présence d’une certaine vérité.