La crise du médico-social, un enjeu de société

Manifestation
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VD : On a beaucoup parlé de la crise des hôpitaux et des EPHAD. Moins de celle des établissements pour personnes handicapées. Et pourtant, les manifestations des professionnels se succèdent partout en France

« Dans certaines structures, on n’a plus assez de personnel pour assurer les repas des personnes en situation de handicap ». Luc Gateau qui parle ainsi est le président de l’UNAPEI, qui regroupe des milliers d’établissements et services médico-sociaux. Il décrit le casse-tête quotidien pour ces établissements. Des centaines de personnes handicapées hébergées dans des foyers ont dû être renvoyées chez leurs parents, faute de personnel.

VD : Comment en est-on arrivé là ?

Manifestement, les métiers médicosociaux ont perdu de leur attractivité, Valentin, et la crise du COVID révèle ce phénomène, car malheureusement, ce n’est pas nouveau : « De longue date le secteur médico-social est en tension de personnel » explique dans le dernier numéro d’Ombres & Lumière Stéphane Lenoir, qui coordonne Collectif Handicaps, un groupement de 51 associations. « En dix ans, les salariés de ce secteur ont perdu 25% de leur salaire » constatent des directeurs d’établissements, au point de basculer dans la précarité: « des précaires accompagnent le précaire » ironise l’un d’eux.

On mesure le degré d’une civilisation à la façon dont elle traite les plus fragiles.

Mais la crise du COVID amplifie aussi ce phénomène. Le gouvernement devant la difficulté des EHPAD et des hôpitaux a organisé un Ségur de la santé qui a abouti à une revalorisation salariale des professionnels du secteur sanitaire. Conséquence constatée par Stéphane Lenoir : « un effet de concurrence, les salariés du secteur médico-social sont partis rejoindre les EHPAD et les hôpitaux , ce qui a accentué la pénurie ». On en est au stade où les établissements sont en situation de non-assistance à personne en danger : « moins de surveillance, toilettes non faites, repas décalés… » constate Stéphane Lenoir. Une spirale infernale, qui épuise ceux qui restent, dont certains démissionnent pour des raisons éthiques, tant ils se sentent incapables d’apporter la bientraitance constitutive de leur métier.

VD : L’urgence est donc de revaloriser sans attendre tous les professionnels qui accompagnent les personnes handicapées ?

Oui, Valentin,  et c’est ce que demande Stéphane Lenoir dans Ombres & Lumière, qui appelle aussi de ses vœux à une réflexion sur l’attractivité de ces professions. La hausse des salaires est indispensable, certes, mais ne peut suffire. L’attractivité passera aussi par la reconnaissance du sens de ces métiers. La lueur d’espoir vient de ce constat formulé dans Ouest-France par un organisme de formation du médico-social: « Beaucoup de gens viennent vers nous avec l’envie de se reconvertir dans un métier du social qui a du sens ».

Tant mieux ! Ce sens, qui rend ces métiers attractifs, n’est pas qu’un enjeu individuel. C’est le sens même de ce qui nous rassemble, car on le sait, on mesure le degré d’une civilisation à la façon dont elle traite les plus fragiles.

Philippe de Lachapelle sur Radio Notre-Dame – 15 février 2022

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