Dossier

«Le diagnostic de TDAH m’a libérée »

©adobestock

Marie a quatre enfants. Baudoin, son aîné, a traversé de nombreuses difficultés avant d’être diagnostiqué TDAH* il y a un an, à l’âge de onze ans. L’amorce d’un nouveau départ.

Bébé, Baudoin ne m’a pas posé de souci particulier. Mais les professionnels des crèches me disaient qu’on sentait quelque chose de singulier chez mon fils, sans arriver à définir ce que c’était. Arrivé en maternelle, si le langage ne posait aucun problème, tout ce qui était motricité fine était plus compliqué. En grande section, un bilan chez une psychomotricienne n’a rien révélé de particulier. Au CP, l’apprentissage de la lecture s’est fait de façon fluide, mais ça a été plus laborieux pour l’écriture. Il a fait un bilan chez une orthophoniste qui a évoqué un trouble de l’attention, sans aller plus loin. Puis il a enchaîné durant des années des rendez-vous chez différents spécialistes et des séances de rééducation, sans résultat. Scolairement en galère, notre enfant se sentait différent et avait des difficultés à communiquer avec les autres enfants. Angoissé, il avait aussi du mal à s’endormir. Et puis, en CE2, ça a été la catastrophe… L’instituteur a jugé qu’il « faisait du cinéma ».

Deux ans d’attente

Nous avons finalement inscrit Baudoin dans une école hors contrat où ils étaient vingt en classe, et non plus trente-quatre. Nous sommes tombés sur une institutrice qui a su comment le prendre, s’adapter à lui et lui redonner confiance. Baudoin s’est mis à avoir des relations sociales normales, ce qui a rempli son réservoir affectif. Mais sur le fond, rien n’était vraiment réglé et, assez désespérée, j’ai contacté Necker pour avoir un bilan. Il y avait deux ans d’attente pour un rendez-vous… Durant cette attente, j’ai continué tant bien que mal comme je pouvais. Il fallait parallèlement que j’encaisse toutes les remarques, comme : « Cet enfant n’est pas éduqué » ; « Son père est beaucoup absent, il souffre d’un manque d’autorité », « Tu ne sais pas t’y prendre » …

Baudoin avait dix ans quand le rendez-vous a eu enfin lieu et là, on m’a dit que mon enfant avait un gros problème de confiance en lui mais qu’il n’y avait rien de dramatique et que je « prenais la place d’enfants qui avait de réels problèmes » … Estimant que je m’étais peut-être fait des idées pendant toutes ces années, j’ai arrêté toute prise en charge. Baudoin entrait en CM2 et ça lui a fait du bien de souffler. Il a fait une bonne année, même si c’était toujours difficile sur le plan des amitiés.

Besoin de récompenses

À la maison, ce n’était pas non plus évident de trouver sa place. Il voyait que tout était facile pour Gauthier, son cadet, aussi bien en termes de relations amicales que de travail scolaire. Pour l’aider, j’ai mis en place des « contrats », car ce sont des enfants qui ont besoin de récompenses. À chaque objectif atteint, il avait une barre, et à la fin de la semaine, en fonction du nombre de barres, il choisissait la « carotte » : aller acheter un goûter à la boulangerie le samedi en passant un moment seul avec son papa ou moi ; regarder un film dans le week-end… Ce sont des enfants qu’il faut cadrer tout en leur laissant des choix. Par exemple, je lui disais qu’il éteignait sa lumière quand il voulait le soir, mais qu’il devait être dans sa chambre à 20 heures. Et moi aussi, je me fixais des objectifs. Chaque semaine, je laissais filer certaines choses, mais j’en gardais une sur laquelle j’étais ferme. Quand la douche était non négociable, je lui permettais de ne pas finir son repas… Je veillais aussi à le valoriser énormément, à être à fond dans les superlatifs à chaque réussite.

Ce sont des enfants qu’il faut cadrer tout en leur laissant des choix.

En sixième, le démarrage d’année s’est très bien passé. J’ai pensé qu’on allait oublier ce primaire compliqué. Et à la Toussaint, tout s’est écroulé – sans doute qu’il prenait sur lui jusque-là. Le faire travailler devenait un cauchemar ; son écriture devenait illisible… Les professeurs n’en pouvaient plus. Il se mettait tous ses camarades à dos car il réagissait au quart de tour. Le directeur nous a alors convoqués et nous a poussés à refaire tous les tests…

Traitement

Et là, une pédopsychiatre de ville, qui ne connaissait pas mon fils, me l’a décrit exactement comme il était… Baudoin était TDAH ! Le diagnostic a été dur à entendre mais il m’a libérée. Elle m’a dit qu’il fallait qu’il prenne tout de suite un traitement. Au début, je ne voulais pas le mettre sous médicament, mais honnêtement ça l’a sauvé. Depuis qu’il est soigné, tout n’est pas parfait, mais on revit. D’une crise chaque soir où il me tournait autour avec une grande détresse dans le regard, on est passé à une crise par mois, qu’il gère bien mieux. En cinquième cette année, les professeurs me disent tous que c’est le jour et la nuit par rapport à l’an passé. Il n’a plus aucun problème de comportement. Il retrouve des copains pour jouer au foot, est invité à déjeuner, ce qui n’était jamais le cas auparavant. Baudoin est sur des rails ; on avance, j’y crois. Les enfants TDAH sont intelligents. Ils ont tellement pris sur eux qu’ils savent se surpasser et quand ils savent où ils vont, ils y arrivent.

Accepter mon enfant tel qu’il est

Baudoin a encore des angoisses. Il est toujours impulsif. Quand un sujet l’intéresse, il continue comme avant à poser plein de questions, sans attendre les réponses, mais il est plus apaisé, plus souriant, plus en confiance. Avoir entendu le psychiatre lui dire : « Baudoin, tu es TDAH, ce n’est pas ta faute. Ce n’est pas la faute de tes parents non plus. Nous on est là pour t’aider », l’a énormément soulagé. Aujourd’hui, je suis sereine et je pense qu’il le sent. Pour tenir toutes ces années, je me suis appuyée sur mon groupe de prière des mères. Mon abandon dans la prière, pour accepter mon enfant tel qu’il était, a été mon apaisement, et m’a permis de tenir. Partageant ma foi, Baudouin aime beaucoup servir la messe. Cela le ressource. Quand il a commencé à servir, il a été face à un prêtre bienveillant qui lui a donné de plus en plus de rôles et cela lui a redonné confiance en lui. En vis-à-vis de quelqu’un de bienveillant qui ne le juge pas, il donne le meilleur de lui-même.

Recueilli par Christel Quaix, ombresetlumiere.fr – 12 mai 2022

(les prénoms ont été changés)

*trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité

A lire : « TDAH, connaître pour mieux vivre », O&L n° 247 (mai-juin 2022).

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