Loi bioéthique et loi grand âge: inversons les priorités

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Philippe de Lachapelle s’interroge sur l’agenda politique qui fait passer le projet de loi bioéthique avant la loi grand-âge autonomie.

Le 13 janvier dernier, Olivier Véran, ministre de la Santé annonçait le maintien du projet de loi bioéthique. Le même jour, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal annonçait, lui, le report du projet de loi grand âge autonomie. Un sens des priorités qui interroge.

« Je souhaite vivement que ce texte puisse être adopté de façon définitive avant l’été… Beaucoup de Français et de familles attendent que cette loi soit appliquée. » Ces mots sont d’Olivier Véran, qui justifie ainsi son empressement à inscrire le projet de loi bioéthique à l’agenda du Sénat.

« Les Français comprendront que notre boussole, c’est la gestion de la crise. » Là, c’est Gabriel Attal qui parle, pour expliquer que le projet de loi grand âge et autonomie va être repoussé après la pandémie ; peu de chances donc que ce soit avant la fin de ce quinquennat. Pourtant, le ministre de la Santé avait dit en juillet que ce serait « la grande réforme sociale de cette fin de quinquennat attendue par des millions de familles ». Et c’est vrai ! 

Il y a urgence à reporter ce projet de loi qui est dépassé, et engager une réflexion à la lumière de la pandémie que nous subissons.

Le seul nombre de personnes concernées par la dépendance pourrait suffire à inverser les priorités. Mais la crise liée au Covid a aussi révélé une raison de fond, dont la philosophe Corinne Pelluchon, de la fondation Nicolas Hulot, parle fort bien dans une interview au Monde : « La pandémie est un rappel en premier lieu de la profonde vulnérabilité humaine dans un monde qui a tout fait pour l’oublier ». Elle a raison ! Par exemple, nous ne voulions plus voir la souffrance des personnes âgées en EHPAD, que la crise nous oblige à constater, comme la détresse de leurs familles et de leurs accompagnateurs. Des réflexions sont menées depuis des années, les solutions déjà repérées, mais la loi est toujours repoussée. Cette crise devrait nous inciter à la voter au plus vite !

Corinne Pelluchon affirme, et elle n’est pas la seule, que cette crise sanitaire, par le rappel brutal de notre fragilité, montre que la science et la technique ne suffisent pas. Elle met vivement en garde contre les courants porteurs d’une vision d’un « homme-dieu » qui voudraient le voir échapper à ses déterminismes biologiques et à sa contingence grâce aux technosciences. Elle invite à prendre le temps de la réflexion pour contrer la tentation de toute puissance.

Il faut s’interroger sur ce projet de loi bioéthique : effacement des fondements de la filiation, manipulation du vivant, création de chimères homme/animal, d’embryons génétiquement modifiés, ouverture à la marchandisation du corps… Il y a urgence à reporter ce projet de loi qui est dépassé, et engager une réflexion à la lumière de la pandémie que nous subissons. On ne peut pas faire comme si elle ne nous apprenait rien sur la fragilité humaine qui nous concerne tous ! Plutôt que de prendre des mesures partielles et sans perspective d’ensemble, la priorité est de nous demander dans quelle société nous voulons vivre. C’était le thème des Etats généraux de la bioéthique, qu’il serait bon de reprendre à l’aune de la crise que nous traversons.

Philippe de Lachapelle sur RCF – 1er février 2021

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