Conjoints, prendre soin de soi

Un homme en fauteuil roulant est poussé par sa femme.
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BF : On parle peu des conjoints d’une personne handicapée ou malade psychique. Comme s’ils ou elles disparaissaient derrière le handicap de leur conjoint. Pouvez-vous en dire plus sur ce qu’ils vivent ?

« Je suis en première ligne lorsqu’elle se décourage, quand il y a un problème, je ne me sens pas à la hauteur ». Ces mots sont d’André, dans la revue Ombres & Lumière. C’est de sa femme Michelle qu’il parle ainsi. Michelle a perdu l’usage de ses jambes et d’un bras suite à un AVC. C’est grâce à l’amour dévoué de son mari que cette ancienne enseignante a pu demeurer à domicile. Une ligne de crète pour André qui tient à rester avant tout l’époux de Michelle. Il sent bien que la place d’aidant risque de prendre le dessus.

BF : Sont-ils nombreux à avoir un conjoint malade ou handicapé ?

Pas de statistiques, mais ils sont assurément plus nombreux qu’on ne le pense, et surtout dans une grande diversité de situations. Que le handicap soit présent au moment du mariage ou qu’il ait fait irruption après le mariage par un accident de la vie ou une maladie, les conjoints vont, selon les situations, devoir affronter la perte de mémoire du mari traumatisé crânien, ou sa toilette, les hospitalisations à répétition du mari malade psychique, le ballet des soignants auprès de la femme tétraplégique, les rendez-vous médicaux à n’en plus finir, et tant d’autres choses encore… Leur vie n’est pas un long fleuve tranquille !

Le handicap ou la maladie mettent à part plus ou moins violemment la personne qui en est atteinte. Son conjoint, lui aussi, va vivre une part de cette exclusion, avec des difficulté spécifiques.

Sans parler du regard des autres. Le handicap ou la maladie mettent à part plus ou moins violemment la personne qui en est atteinte. Son conjoint, lui aussi, va vivre une part de cette exclusion, avec des difficulté spécifiques. Supporter les regards de biais dans la rue, quand cette femme tient la main de son mari qui marche de guingois ; savoir répondre à son enfant lorsqu’il dit au sujet de son père « Maman, le handicap de papa me gêne » ; pardonner les incartades de sa femme malade psychique, qui a des comportements déconcertants ; subir les propos de pitié « ma pauvre, ce ne doit pas être facile tous les jours », ou les propos d’admiration « comme tu es courageuse ! » – Pitié et admiration sont autant de façons de se tenir à distance, alors même que c’est d’amitié que le conjoint a besoin-. Et parfois même s’entendre dire en terme à peine voilés « assume, puis que tu l’as épousé ainsi, ou que tu choisis de demeurer avec lui ou elle, maintenant qu’il est handicapé ».

BF : Mais leur vie n’est faite que de difficultés et d’épreuves ?

Non Bruno, loin de là. Humour, confiance, complicité, tendresse, projets, sont autant de mots que l’on peut entendre dans leurs témoignages, et André lui-même n’en manque pas avec Michelle. Et c’est grâce à cela qu’ils restent l’époux ou l’épouse qu’ils sont avant tout. C’est pour cela, pour qu’ils puissent se partager leurs richesses et s’aider devant les difficultés que l’OCH organise une journée pour conjoint d’une personne malade ou handicapée, le 10 décembre à Paris, et le 11 décembre à Angers. Pour qu’ils puissent s’y inscrire, les aider à se libérer est le plus grand cadeau que nous pouvons leur faire.

Philippe de Lachapelle sur RCF – 6 décembre

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