Jour de colère !

Chronique de Florence Gros, directrice de la Fondation OCH, sur Radio Notre Dame – 19 mars 2024

Mardi 5 mars, j’ouvre mes mails. L’un d’eux est intitulé « Dies irae, dies illa », c’est-à-dire, jour de colère, jour fameux. C’est Louis qui me partage quelques sentiments qui l’habitent à son réveil. Colère, honte, désolation ! la veille, la France a inscrit l’avortement dans la Constitution. Louis est atteint d’une maladie neuromusculaire, la myopathie de Duchenne. Une de ses sœurs est trisomique. Ses pensées, selon ses mots, « vont aux centaines de milliers d’enfants qui ne viendront jamais au monde, notamment les moins aimés, les moins désirés : enfants trisomiques comme ma petite sœur ou enfants myopathes comme moi ». Louis parle de « glissement civilisationnel », alors il appelle à la prière.

Simon : L’inquiétude de Louis semble grande … la partagez-vous ?

Oui, Louis est inquiet mais il garde aussi l’Espérance. Un enjeu pour toutes les personnes bousculées par cette nouvelle. Les divers sentiments qui l’habitent m’ont touchée, ils me rejoignent comme beaucoup d’autres personnes. Car son témoignage n’est pas unique. Nombreuses sont les personnes handicapées qui disent à l’OCH qu’elles aiment leur vie, aussi fragile soit-elle, sans nier leur besoin d’être accompagnées. En mettant dans la Constitution l’avortement, ces personnes en situation de handicap craignent qu’on n’invite plus jamais les familles à oser la vie avec une fragilité. Elles voient dans cette étape une société qui se durcit, une société qui ne veut plus accueillir l’imprévu, qui ne veut pas croire que la vie, même confrontée au handicap, vaut le coup d’être vécue. Elles s’inquiètent de la façon dont on va, demain, accompagner les futures mamans qui attendront un enfant avec une particularité alors que notre société n’est déjà pas très accueillante aux vulnérabilités. Comment vont-elles accéder à des témoignages comme celui de Louis ?

Simon : Vous nous appelez à donner la parole aux plus fragiles ?

En effet Simon, elles ont tant à nous dire. Une maman de 2 enfants malades m’avait confié il y a quelques temps qu’elle ressentait dans la société une injonction de plus en plus forte à l’enfant zéro défaut. Elle me disait que c’était difficile à vivre pour elle comme pour les personnes concernées par le handicap ou la maladie. D’un côté cette maman, me dit-elle, est invitée dans l’école de ses ainés pour témoigner et aider les élèves à changer leur regard sur la fragilité, bonne nouvelle ! et à réfléchir aussi sur ce qu’est une vie réussie, très bonne nouvelle ! Et de l’autre côté, elle doit se justifier d’avoir eu 2 enfants porteurs de la même maladie et expliquer que, non, ce n’est pas de l’égoïsme que d’accueillir un deuxième enfant porteur d’une maladie génétique au milieu d’une fratrie de 4 enfants. Heureusement, la richesse des discussions que provoque son témoignage lui donne des forces pour vivre l’incompréhension sociétale. Ne nous laissons pas voler la possibilité de dire que la vie, même cabossée, peut être belle. L’Espérance chevillée au cœur, encourageons-nous à être des témoins de vie !

Chroniques animées par Simon Tatreaux, journaliste et présentateur de Radio Notre Dame.

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