Le repas nourrit aussi le cœur et l’âme

Nicolas Entz : Régulièrement, avant la pandémie, on parlait de l’ouverture de nouveaux restaurants où travaillent des personnes handicapées. D’autres s’apprêtent à ouvrir dès que ce sera possible. D’où vient ce succès manifeste ?

« C’est un lieu convivial, un véritable espace de communication ». Baptiste Boucherie parle ainsi du restaurant « Chut » qu’il a créé à Bordeaux. « Chut », parce qu’il est tenu par des personnes sourdes. « En réalité-dit-il- l’ambiance n’est pas vraiment silencieuse. Le repas est un bon vecteur pour un partage autour de la langue des signes. Les clients prennent vite plaisir à communiquer avec le personnel ». Ce restaurateur enthousiaste témoigne de son expérience dans « Ombres et Lumière ». Le magazine a consacré un dossier passionnant titré : handicap et restauration, la rencontre au menu ».

Nicolas Entz : Que nous apprend Ombres et Lumière sur ce sujet ?

Il y a d’abord ce que vous avez dit, Nicolas, tous ces nouveaux restaurants qui font la part belle aux personnes handicapées, de tous handicaps, qui à la cuisine, qui en salle. Sous des noms aussi divers qu’évocateurs comme  «Cafés joyeux – Chromosome – En 10 saveurs – La belle étincelle- L’oreille cassée » ou encore « Dans le noir », tenu par des personnes aveugles. Dans des contextes et des villes très différentes, ils conjuguent tous qualité, simplicité, et relation.

La qualité, elle est gastronomique : « Les gens reviennent parce que c’est bon » témoigne un d’entre eux. Ce que confirme un habitué : « Si la nourriture n’était pas au rendez-vous, on n’irait pas aussi souvent ». En plus, beaucoup de ces restaurants ont une démarche globale, donc écologique.

La simplicité des personnes handicapées qui cuisinent et qui servent fait aussi partie de l’attractivité de ces restaurants atypiques : « ils ont une joie de vivre communicative » peut-on lire, ou encore « ils nous invitent à prendre le temps »… Ce que confirme cet analyste financier, lui aussi un habitué : « il y a une vraie authenticité, pas de chichis, c’est du gagnant-gagnant ».

Et donc, la relation est au cœur de toutes ces initiatives innovantes. On comprend bien pourquoi quand on lit ces mots d’Emmanuel, serveur trisomique « j’aime aider les autres et partager. Il faut que les clients se sentent bien chez nous. On est heureux, on veut les servir de notre mieux ».

Nicolas Entz : Manifestement, on vient dans ces restaurants pour bien plus que s’alimenter

Oui, Nicolas. Ce que révèlent ces restaurants, et que met en valeur le magazine Ombres et Lumière, c’est que le repas est bien autre chose qu’une simple alimentation : il nourrit le corps, certes, mais aussi le cœur et l’âme. « Il est une occasion de se donner soi-même et de donner à foison » écrit Bénédicte de Saint Germain qui, je cite, « s’émerveille de la puissance du repas ».

Or, la crise sanitaire a singulièrement limité ces possibilités de repas partagés. Alors, pour en retrouver la saveur, quand ces restaurants réouvriront, allons-y sans attendre. Ce sera une belle façon de les soutenir, et quel que soit le menu que nous choisirons, il y aura toujours la rencontre en prime !

Philippe de Lachapelle sur RND – 02 février 2021

Partager