Les limites de la désinstitutionalisation

Petit garçon avec un handicap triste.
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VD : En 2010, la France signait la convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, qui comme son nom l’indique, l’engage à développer des mesures concrètes en faveur de ces droits. Onze ans après, qu’en est-il ?

« Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial de la France… Il apprécie le dialogue fructueux et sincère qui s’est tenu… ». Ce comité qui parle ainsi est le CDPH – Comité des Nations Unies pour les droits des personnes handicapées. Il est venu évaluer en aout dernier comment la France mettait en œuvre cette Convention qu’elle avait donc signée. Il s’est appuyé pour cela sur un rapport établi par la France, puis des auditions dans tous les champs, qui ont impliqué tous les ministères ou presque.

VD : Il a rendu ses conclusions le 15 septembre dernier. Qu’est-ce qui en ressort ?

Hélas Valentin, si la première page de ces conclusions se félicite de quelques rares points, les 22 pages suivantes ressemblent à une volée de bois vert adressée à l’Etat français. Les auditions en aout avaient déjà été émaillées de critiques acerbes. Mais on est sidéré que rien ou presque dans ce rapport ne trouve grâce aux yeux de ce comité. Tout y passe : absence de stratégie – le modèle trop médical des politiques publiques – des approches paternalistes du handicap – l’institutionnalisation au détriment de la vie autonome – le manque de participation des personnes handicapées – les violences – les discriminations – transport – logement – ressources… Impossible de tout citer, car ce sont les 33 articles de la Convention qui sont ainsi évalués sans aucune indulgence.

VD : J’imagine que le Comité fait aussi des recommandations ?

Oui, Valentin, et nombreuses, dans tous les domaines ! Par exemple, éradiquer toute forme de vie collective, foyers petits ou grands, toute forme d’institution spécialisée, scolaire comme les ULIS, professionnelle comme les ESAT… Tout cela au motif que, je cite – « ce contexte perpétue la stigmatisation et l’exclusion ». D’autres sont plus vagues, au point de ressembler à un vœu pieux, comme – je cite encore – « veiller à ce que les personnes handicapées puissent participer pleinement à la vie politique et publique… » Le gouvernement est en tout point invité à revoir sa copie en matière de handicap.

VD : Que faut-il retenir de ce rapport du CDPH ?

Il y a beaucoup de choses justes dans ce rapport, Valentin, mais l’excès des reproches faits risque de le rendre insignifiant. On le sent largement traversé de l’idéologie post moderne de l’individu libre, autonome, indépendant, où la seule inclusion qui vaille est forcément hors-les-murs. On en connait le risque : la solitude ! Elle progresse en France, et ce sont les personnes vulnérables qui en souffrent le plus. Ce qui compte pour chacun de nous, n’est pas d’être autonome, c’est d’être heureux ! Et ce qui nous rend heureux, c’est d’être en relation les uns avec les autres.

La liberté, Valentin, ça doit être de pouvoir choisir son mode de vie. Par exemple, choisir la vie en habitat partagé, pourtant décrié par le CDPH, mais qui est promu à un bel avenir en France. L’OCH soutient de nombreuses initiatives en ce sens, et constate qu’elles font beaucoup de bien, aux personnes en situation de handicap qui en font le choix, bien sûr, mais aussi aux quartiers ou paroisses dans lesquels ces habitats partagés sont insérés.

Philippe de Lachapelle sur Radio Notre-Dame – 12 octobre 2021

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