L’humour dans la relation d’aide

Un couple de personnes âgées rigole.
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VD : Soigner une personne malade, visiter une personne âgée, accompagner une personne en souffrance psychique, rien de plus sérieux apparemment ! Le rire peut-il prendre place dans une telle relation ?

« Il y avait chez elles une attente comique, comme quand on revoit un vieux film dont on se rappelle que c’est drôle. Leurs yeux pétillaient, elles se dévisageaient, alors même que les personnes atteintes d’Alzheimer évitent de se regarder entre elles  ». C’est Natalia Tauzia qui témoigne ainsi dans la revue Actualités Sociales Hebdomadaires. Elle est psychologue dans un service de gérontologie, et elle est auteur de « Rire contre la démence » chez L’Harmattan. Elle a découvert par hasard que le rire permettait d’entrer en relation avec des personnes qui pourtant ne parlaient plus : « Comme s’il libérait le bouchon qui entravait la parole, -dit-elle- le rire réinscrivait les personnes dans la communauté humaine ». Et d’ajouter avec prudence « il ne s’agit pas de rire pour rire, il faut le manier avec délicatesse…».  La revue ASH consacre un dossier aussi passionnant que périlleux sur la place du rire dans la relation d’aide.

Humour et humilité se tiennent la main

VD : Pourquoi passionnant et périlleux ?

Passionnant, parce qu’on y découvre, à l’image de Natalia Tauzia, que le rire a une réelle efficacité dans la relation de soin ou d’accompagnement. Il apporte cette légèreté dont la personne accompagnée a tellement besoin, face au poids de sa souffrance ou de sa maladie. Elle permet aussi à l’accompagnant de ne pas se laisser envahir à l’excès par la souffrance de l’autre, sans quoi il ne saurait l’aider.

Mais périlleux aussi, parce que la personne est vulnérable, et peut recevoir cet humour comme une menace, une humiliation de plus dans sa condition déjà douloureuse. On est donc sur une ligne de crète, l’humour doit être utilisé avec discernement.

VD : Quel va être le critère de discernement pour savoir si l’humour a sa place ?

Pour être sûr d’être ajusté, il importe que l’accompagnant cultive une relation aimante et respectueuse de l’autre. Pour Natalia Tauzia, cela impose de sortir de la dissymétrie « soignants/soignés – celui qui sait et celui qui ne sait pas », pour entrer dans une relation de parité, de mutualité. L’accompagnant doit descendre de son piédestal. Une invitation à l’humilité que confirme le père Bandelier sur le site Aleteia. Il rappelle qu’humour et humilité se tiennent la main : « ils ont la même racine -précise-t-il- l’humus de notre commune condition humaine ». C’est parce que nous partageons la même humanité commune, qu’ensemble, accompagnant et accompagné, pouvons entrer sur ce registre de l’humour. Il ne nous permet pas de changer l’épreuve elle-même, ni la maladie, mais il nous permet de changer le regard que l’on a sur elles, et entrer dans une joie profonde pour laquelle nous sommes tous faits !

Philippe de Lachapelle sur Radio Notre-Dame – 2 novembre

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