Pensées suicidaires chez les jeunes

Jeune fille assise sur les marches de son école.
@ Adobe Stock

BF : la dépression est un mal qui touche énormément de personnes, dans toutes les générations, y compris les jeunes. Mais hélas, une des difficultés pour la personne qui en souffre, c’est d’en parler.

« J’ai parfois eu des pensées suicidaires – j’en suis peu fier – On croit parfois que c’est la seule manière de les faire taire, ces pensées qui me font vivre en enfer ». Ces paroles douloureuses sont du chanteur Stromae, dans une chanson qui s’intitule « l’enfer ». Il les a chantées en direct dans le 20h00 de TF1, dimanche 9 janvier, et ça a fait grand bruit, provoquant une vive émotion. Le chanteur venait faire sur le plateau sa communication au sujet de son nouvel album qu’il vient de sortir après sept ans de silence.

BF : Quel est cet enfer dont parle Stromae ?

C’est cette longue dépression diagnostiquée en 2015, qu’il a traversée et dont il sort enfin. Rappelez-vous Bruno, Stromae aborde volontiers les sujets graves de sa vie : on se souvient de « Papaoutai » qui mettait en musique le double drame de son père absent puis assassiné. Mais aussi de « Formidable » qui relatait l’errance d’un homme qui a trop bu. Et maintenant, c’est donc sa dépression qu’il vient conter dans cette chanson autobiographique. Les mots sont puissants, l’interprétation grandiose. « Ce nouveau titre va rendre service à la société –commente dans La Voix du nord Pierre Grandgenèvre, psychiatre au CHU de Lille, spécialisé en suicidologie.

La solitude a explosé chez les jeunes du fait de l’épidémie, qui ne se trouvent plus reliés que par les réseaux sociaux.

BF : en quoi une telle chanson peut-elle être utile ?

Parce que selon lui, « ce type de message porté par une star va permettre de libérer la parole ». Et le praticien d’expliquer que sortir du silence quand on a des pensées suicidaires est très difficile, à cause des jugements. Or il constate que Stromae a des mots très justes pour décrire l’envahissement des pensées suicidaires : « la souffrance est tellement intense qu’elle occupe toutes nos pensées » précise le psychiatre, qui salue aussi le sentiment de honte et de culpabilité qui revient au fil des couplets, et qu’il retrouve chez ses patients. Il espère ainsi que la maladie mentale sera moins stigmatisée, notamment chez les jeunes, grâce aux mots de Stromae sur ses propres maux.

Puisse-t-il avoir raison, Bruno ! Car on apprenait le lendemain dans les pages de Libération qu’il y a eu explosion des gestes suicidaires chez les jeunes en 2021. Les causes sont multifactorielles, mais on sait, entre autres, que la solitude a explosé chez les jeunes du fait de l’épidémie, qui ne se trouvent plus reliés que par les réseaux sociaux. Or, ils ont largement relayé sur ces mêmes réseaux sociaux la chanson de Stromae, qui commence par « J’suis pas tout seul à être tout seul ». Eh bien, puisse l’artiste aider ainsi ces jeunes à se sentir moins seuls et à parler de leur souffrance.

Car s’ils y parviennent, alors il faut savoir « qu’on a plein d’outils pour la diminuer ». C’est le docteur Grandgenèvre qui nous délivre ce signe d’espoir. Pour cela, un numéro national existe, le 3114, ou encore, le service Ecoute et conseil de l’OCH, qui peut tout entendre en toute confidentialité et sans jugement aucun.

Philippe de Lachapelle sur RCF – 17 janvier 2021

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