Personnes handicapées en politique, pour plus d’humanité
VD : Les politiques parlent volontiers du handicap et des personnes handicapées dans leurs déclarations. Mais les personnes handicapées elles-mêmes, sont-elles présentes en politique ?
« Toutes les initiatives d’inclusion des personnes handicapées dans le monde scolaire ou le monde du travail contribuent à la santé de l’ensemble de notre société ». Cette phrase est tirée du document « L’espérance ne déçoit pas » publié par les évêque de France pour nourrir la réflexion pour les prochaines présidentielles. S’il en est ainsi de l’école ou du travail, qu’en est-il en politique ? La présence de personnes handicapées ou de leurs proches est-elle un facteur de meilleure santé ? La revue Ombres & Lumière vient de consacrer un dossier passionnant, « le handicap, un enjeu politique » dans lequel on trouve des éléments de réponse à cette question.
VD : Qu’apprend-on sur ce qu’apporte de spécifique les personnes handicapées engagées en politique ?
Ombres & Lumière a donné la parole à certaines d’entre elles, soit elles-mêmes en situation de handicap, soit parentes d’une personne handicapée. « J’ai été assez vite identifiée comme quelqu’un de sensible à la fragilité » témoigne Alice Le Moal, maman, élue municipale et départementale. On lui a confié de nombreuses responsabilités en lien avec la fragilité. Femme de foi, elle trouve là une façon de mettre en œuvre- je cite « l’impérieuse nécessité de l’option préférentielle pour les pauvres ». Pour autant, « ce n’est pas parce qu’on est handicapé qu’on est compétent en matière de handicap tant c’est un univers compliqué » déclare Pierre Deniziot, lui-même handicapé et élu municipal et régional. Mais dit-il « j’ai le sentiment de représenter des personnes qui ne se sentent pas représentées ».
Ombres & Lumière révèle ainsi page après page que l’expérience du handicap est pour ces personnes un moteur pour améliorer la société. « Leur handicap m’a donné un élan supplémentaire » déclare Vincent Thiebaut, député et père de deux enfants sourds. Lors des débats sur la loi bioéthique, au sujet du diagnostic pré implantatoire qui éliminerait les embryons porteurs d’anomalies, il a marqué l’hémicycle en l’interpellant vivement sur ces dérives eugénistes : « j’ai parlé de mon expérience de père de deux jumeaux sourds –dit-il – ils m’ont ouvert les yeux sur une autre façon d’appréhender la vie ». Et l’homme de prêcher pour une politique d’accompagnement, dès la naissance, et tout au long de la vie. Il ajoute « il y a un enjeu majeur à accepter ce que nous sommes avec nos limites ».
VD : Et donc, à lire Ombres & Lumière, la présence des personnes handicapées et leurs familles en politique est vertueuse pour le bien commun ?
Clairement oui, Valentin. A écouter toutes ces personnes de différends bords politiques, on aimerait même qu’elles soient plus nombreuses à s’engager. Elles incarnent et suscitent spontanément la prise en compte de la fragilité comme centrale dans l’espace politique.
Or, comme nous le rappelle Alice le Moal, « Le cœur du politique, c’est d’être attentif au plus fragile ».
Philippe de Lachapelle sur Radio Notre-Dame – 22 mars 2022