Une rentrée sous le sceau de la bienveillance
Valentin Deleforterie : Philippe, les personnes handicapées sont confrontées à des contraintes diverses et variées. Ont-elles des choses à nous apprendre, alors même que nous subissons sans cesse de nouvelles contraintes liées à la pandémie ?
« Je vais vous dire quelque chose qui risque d’en choquer plus d’un : d’après moi, le « handicap » n’existe pas. » On peut effectivement être surpris par ces propos d’Anne-Lyse Chabert, sur le site « Confinews ». ». Elle qui est atteinte d’une maladie dégénérative qui l’invalide lourdement -de plus en plus dépendante- et qui a écrit un livre « Transformer le handicap » chez Eres… Le handicap semble donc bien exister ! Mais pour elle, il n’y a que des « expériences de handicap », qu’elle nomme « des expériences de l’étrangeté à soi-même ou à l’autre, qu’il s’agisse de la personne handicapée, ou de quelqu’un qui la côtoie ».
Valentin Deleforterie : Dites-en nous plus sur Anne-Lyse Chabert.
A trente-sept ans, cette docteur en philosophie est chercheuse au CNRS, particulièrement sur le sujet du handicap. Dans ses recherches, elle fait la part belle à ce point de vue intérieur qui, je cite « redonne à l’individu, quelque-soit le handicap, toute sa compétence d’expert ». Dans le paradigme qu’elle adopte, on ne considère plus la personne handicapée comme en manque, mais plutôt comme créatrice de savoir-faire, susceptible d’enrichir son environnement.
Chers amis, en ces temps de fragilité collective, veillons les uns sur les autres, et nous redécouvrirons cet essentiel qui nous donne vie !
Valentin Deleforterie : N’y a-t-il pas risque de nier l’épreuve que représente le handicap ?
Pas d’angélisme, Valentin, vous avez raison. Anne-Lyse Chabert reconnait et éprouve les contraintes parfois aigües que le handicap génère dans l’existence. Mais cette expérience l’invite à développer une véritable compétence pour vivre avec ces contraintes. « Le handicap me ramène à l’essentiel -dit-elle- aux questions qui touchent à notre finitude d’être humain ». Cette finitude, dont, dit-elle encore, « nous sommes tous -à nos corps défendants- pétris ».
C’est pour cela qu’elle estime que la place des personnes handicapées est d’être au cœur de nos sociétés, et non à la marge, car, dit-elle, « le handicap oblige à réinterroger en permanence nos présupposés les plus originels. Il peut être en cela salvateur dans nos temps modernes ».
Ces temps modernes, avec ce sentiment illusoire de toute-puissance, sont bien ébranlés par cette pandémie, avec son lot de contraintes qui ne cessent de se réinventer et qui nous divisent de plus en plus… Nous serions bien inspirés de mettre en œuvre cette tendre invitation d’Anne-Lyse Chabert : « je préconise une grande attention entre tous les citoyens, attention qui prendrait davantage en considération toute la fragilité que notre communauté d’êtres humains peut comporter. Il faut apprendre à veiller les uns sur les autres ». C’est sa définition de la bienveillance. Chers amis, en ces temps de fragilité collective, veillons les uns sur les autres, et nous redécouvrirons cet essentiel qui nous donne vie !
Philippe de Lachapelle sur Radio Notre-Dame – 31 août 2021