Edito

Urgence de la consolation

Je croise souvent dans ma ville un sans-abri qui longtemps a erré dans la rue en compagnie d’un compagnon de galère, jusqu’à la mort de ce dernier l’an passé. Depuis, l’homme est souvent seul et l’air abattu.

L’autre jour, je me suis arrêté pour parler, et il m’a redit sa peine d’avoir perdu cet alter ego. “Je ne m’en remettrais jamais”, m’a t’il dit le regard vide. Lui qui déjà doit se battre contre l’alcool, les dangers de la rue, il avait perdu un bien sans prix, l’amitié d’un frère. Mes mots bredouillés devant cette détresse ont sans doute été de peu de poids.

Comment trouver l’espérance quand une épreuve trop lourde nous “tombe dessus”, que la vie ressemble à un destin subi, ou qu’une peine embue notre être ? A l’heure du covid et de son million de morts, à l’heure des deuils parfois brutaux et privés des plus élémentaires rituels, à l’heure où des catastrophes naturelles ou des drames humains emportent parfois sans prévenir ce que l’on a de plus cher, nous revient ce besoin si fondamental de l’humanité confrontée à l’adversité : la consolation.

Oui, il y a urgence, en ces temps si perturbés, à passer de la société de consommation à la société de consolation.

Les personnes avec un handicap, leurs parents ou grands-parents, le savent bien : ce témoignage d’affection respectueux, chaste, lorsque la vie est dans le creux, peut nous sauver de nous-même, de nos tentations du désespoir ou du repli. Mais combien de détresses sont tues, cachées, faute d’espoir d’être entendues et accueillies ?

Oui, il y a urgence, en ces temps si perturbés, à passer de la société de consommation à la société de consolation. Une société qui se donnerait pour but d’éradiquer la solitude, cette double peine de ceux qui souffrent. Une société qui ouvre un horizon au-delà des petites et grandes morts, celui d’une vie de relation toujours renouvelée. Qu’on soit à consoler ou consolant, on peut tous s’y mettre !

Cyril Douillet

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