Un pas de biais

À quatre pattes dans les vignes

un père et des enfants dans une vigne en automne
© Adobe Stock.

Pendant les vacances de Toussaint, j’ai vécu un grand moment. J’ai été invitée à planter des vignes. Avec une de mes sœurs et ses enfants, nous avons enfilé plusieurs couches de pulls, nos vieux jeans et nos bottes en caoutchouc, et nous sommes allés prêter main-forte à une amie vigneronne, Hermine, qui possède une belle parcelle de terre du côté de Blois.

D’emblée, je suis saisie par la beauté du paysage. De longues rangées de terre, assez vastes pour qu’on n’en voie pas immédiatement le bout, quelques nuages bas éclairés d’une magnifique lumière dorée, et cette petite fraîcheur embuée qui signale enfin le début de l’automne.

C’est Anatole, le cousin d’Hermine, qui nous entraîne. Un grand gars au cœur immense, au parler hésitant et simple, qui nous demandera plus tard avec une candeur et une confiance touchantes : « Est-ce que vous trouvez que j’ai l’air d’un enfant ? »… Mais c’est nous qui nous retrouvons à sa suite comme des enfants. Je suis intimidée par cette terre que je ne connais pas, sur laquelle je me penche si rarement. J’ai tant à apprendre. 

Au début, je reste debout, n’osant pas me mettre à genoux de peur de ne pas pouvoir me relever. Mais rester loin de la terre quand on veut planter une vigne, ça n’a pas de sens ! Trop facile de rester là à soutenir les autres. Après tout… Encouragée par le sourire lumineux de ma sœur, je plonge moi aussi, à quatre pattes dans la terre meuble. Alors de creux en creux, ensemble, nous plantons chaque pied de vigne avec soin. Nous creusons, nous tassons, nous alignons, nous rions, nous soupirons. A la fin du rang, le chien de la ferme a élu domicile… tout contre moi. Il s’appelle Lucky ! J’ignorais que je pouvais être appréciée des bêtes…

La matinée s’achève par un grand déjeuner de fête. Hommes et femmes de tous âges, de tous horizons, chasseurs invétérés ou maraîchers aux cheveux longs, jeunes mamans, frimousses blondes et brunes, nous voilà comme unis sans nous connaître. La vigne, sans rien dire, a fait de nous des frères. Le soin apporté à chaque petit plant me fait penser à Dieu qui prend soin de nous, ô combien ! Et me donne envie de veiller sur chacun, de le regarder pousser. De me laisser tailler, émonder, aimer aussi. Ça doit être ça, l’écologie intégrale. Ça doit être quelque chose comme ça, le banquet du Royaume des Cieux. Allez, une bonne bouteille pour fêter ça ! 

Cécile Gandon, ombresetlumiere.fr – 7 novembre 2022

portrait de Cécile Gandon

Porteuse d’un handicap moteur, Cécile Gandon travaille dans l’associatif. Elle vient de publier « Corps fragile, cœur vivant » (Emmanuel).

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