Une vie de maman
Célébrer les acquis
On ne voit pas ses enfants grandir. Les centimètres déroulent discrètement jour après jours, et puis un matin on réalise que les pantalons laissent entrevoir des mollets poilus, que les coutures craquent et que les t-shirts rétrécissent. On le vit plus ou moins bien. On a parfois la nostalgie des petits, du temps qui passe. On se raisonne en se disant : c’est la vie !
Les fêtes familiales sont redoutées par les ados qui sont l’objet de tous les commentaires sur leur taille, leur ressemblance, leurs acquis. Paul a passé l’âge et ne grandit plus heureusement, mais il y a toujours un cousin pour venir me voir et commenter avec enthousiasme ses progrès : « Il comprend mieux ce qu’on dit, dis donc ! » ou : « L’an dernier, il ne se servait pas d’une cuillère ». L’occasion pour moi de réaliser les changements dont je ne m’étais pas aperçus au quotidien. J’ai souvent calmé les ardeurs, peut-être pour rappeler la lourdeur du handicap, peut-être pour ne pas me leurrer, peut -être que cela m’agaçait, mais j’avais tort. J’ai appris à mieux écouter et me réjouir pour ces toutes petites choses. Ces petites choses parfois si infimes qu’elles me paraissent dérisoires. Ces petites choses que font les enfants de 18 mois et que Paul parvient à faire à 21 ans… Peu importe ! Nous rions de ce décalage. Nous mesurons l’effort accompli par Paul d’abord, et par tous ceux qui l’aident à être plus autonome. Même si les acquis sont fragiles, même s’ils sont repérés seulement par les autres, il faut les célébrer.
Car tant qu’il y a des progrès, il y a de la joie. Quel que soit le point de départ, quel que soit le pas accompli. L’important, c’est de trouver comment avancer ou de trouver quelqu’un pour nous montrer ce que l’on ne voit pas. Désormais, chaque fois qu’un ami s’emballe sur les progrès de Paul, je lève mon verre. Buvons !
Marie-Amélie Saunier, ombresetlumiere.fr-14 octobre 2021