Changer le monde un cœur à la fois
CG : Philippe, c’est un moment particulier pour vous, c’est votre dernière chronique sur Radio Notre Dame. Vous prenez votre retraite vendredi ! Vingt ans comme directeur de l’OCH, quel est votre état d’esprit à la veille de quitter ?
En deux mots, gratitude et confiance, Clara. J’éprouve tellement de gratitude à l’égard des personnes en situation de handicap, de leurs familles ; de tous ceux qui agissent avec l’OCH ; de tous les membres de l’équipe ; j’ai tant appris de toutes ces personnes ! Quelle richesse de convictions et d’engagements ! Ca me donne une énorme confiance pour l’avenir. L’OCH est une aventure collective, portée par toutes ces personnes qui font du bien et qui ont beaucoup de talents. Florence Gros qui me succède, et que nos auditeurs découvriront à la rentrée fait partie de cette aventure depuis seize ans. Forte de cette expérience, elle va ouvrir de nouveaux horizons !
CG : Qu’avez-vous appris notamment auprès de personnes handicapées et de leurs familles ?
Mystérieusement, le secret de la joie, Clara. On n’aurait pas l’idée d’associer la joie à l’expérience de handicap. Attention, pas d’angélisme, le handicap, ça fait mal ! Mais je suis sans cesse témoin de la capacité de ces personnes à chercher une vie belle et bonne, alors même qu’elles sont confrontées à une épreuve lourde. Elles m’apprennent que dans l’épreuve, la présence et l’attention à l’autre changent tout ! Il est là, le chemin de la joie. Et cela nous concerne tous. Les personnes handicapées n’ont pas le monopole de l’épreuve. Elle fait partie de toute vie ! Si nous en faisons le lieu de la rencontre et de l’entraide, nous grandissons en humanité, et la joie jaillit pour tous. Saint Jean-Paul II l’a dit: « Le handicap n’aura pas le dernier mot dans l’existence, mais l’amour ».
Continuons d’aller à la rencontre des personnes fragiles de notre environnement. Ainsi, ensemble, nous rendrons ce monde meilleur, un cœur à la fois, à commencer par le nôtre.
CG : Comment voyez-vous la place des personnes en situation de handicap dans notre société dans le futur ?
Elles participent plus à la vie de la société ! Mais le chemin est encore immense à parcourir, et nous devons nous y atteler urgemment. L’enjeu est un devoir de justice, mais pas seulement. Ces personnes peuvent donner des clefs pour traverser les grandes questions de notre temps.
Par exemple, la conversion écologique s’impose, qui nous questionne sur notre rapport à la limite. Peut-on être heureux sans être dans ce « toujours plus » qui épuise la planète et accroit les inégalités ? Les personnes en situation de handicap nous enseignent à apprivoiser la limite. Elles la connaissent bien. Nous pouvons expérimenter avec elles que « moins de biens, plus de liens », c’est possible, et même que ça répond à notre aspiration profonde.
Autre exemple : notre société est sous la tyrannie de la performance : fragilité interdite, il faut être fort. Les personnes handicapées nous enseignent que la fragilité n’est pas une tare. Elle est constitutive de notre humanité. En y consentant, elle devient le ferment de la fraternité : nous cesserons de monter des murs pour nous protéger les uns des autres. Un enjeu d’actualité.
Chers auditeurs de Radio Notre Dame, merci de votre fidélité et de votre soutien à la mission de l’OCH, notamment par vos dons. Continuons d’aller à la rencontre des personnes fragiles de notre environnement. Ainsi, ensemble, nous rendrons ce monde meilleur, un cœur à la fois, à commencer par le nôtre.
Philippe de Lachapelle sur Radio Notre-Dame – 28 juin 2022