Comparaison égale poison

La comparaison est un poison. Les parents d’enfants porteurs de handicap connaissent bien son engrenage infernal. La comparaison entraine la colère, la frustration et le découragement. Elle mine notre joie de vivre ; elle est le spectre des jours sombres. J’ai écarté de ma vie ces pensées toxiques et j’ai musclé ma confiance en moi au fil des années. Mais la bataille se joue ailleurs désormais, car j’observe que mes enfants peuvent être rattrapés par ce fléau. Quand Instagram affiche des vacances de rêve, cela nourrit la jalousie, surtout si l’été est encombré des contraintes d’un frère handicapé. En comparaison, nos vacances sont nulles et sans intérêt. C’est désespérant. Quand certains voyagent dans des contrées merveilleuses ou vont camper en famille, d’autres restent plantés avec la routine. Même si les vacances ont été sympas et que l’on a mis toute l’énergie possible pour changer d’air et faire plaisir à chacun, il y a une évidence : nous ne pouvons pas vivre les mêmes choses.

Mes enfants disent qu’un jour ils rattraperont les voyages qu’ils n’ont pas pu faire en famille. Ce sont de beaux projets. J’espère qu’ils se souviendront alors que les photos paradisiaques sur les réseaux sociaux provoquent chez les autres une comparaison désespérante. J’espère qu’ils préféreront envoyer des cartes postales.

Une carte postale est une invitation à mettre sa joie dans la joie de l’autre. Elle ne cache pas la réalité de vacances formidables, mais elle dit : « Dans mon bonheur j’ai pensé à toi, je ne t’ai pas oublié ». D’ailleurs, elle commence toujours par « j’espère que tu vas bien ». Elle reste toute simple car la photo plastifiée du plus beau coucher de soleil ne sera jamais à la hauteur de la réalité. Une carte postale fait toujours sourire le récepteur, et parfois même le facteur… Pas besoin de grands discours pour dire son amitié ou son amour.

Pour vaincre la tentation de la comparaison, il faut beaucoup de confiance en soi, un peu de maturité, mais il faut également des amis qui écrivent des cartes postales.

Marie-Amélie Saunier, ombresetlumiere.fr – 22 septembre 2022

Marie-Amélie Saunier vit à Lyon. Elle est mère de quatre enfants, dont Paul, atteint d’autisme.