Couples, pour avancer, parlons de nos différences

Un couple se fait un câlin pour se soutenir.
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VD : On peut l’imaginer, quand le handicap ou la maladie psychique font irruption dans une famille, la vie du couple est bousculée, il doit falloir en prendre soin !

« On n’a jamais flanché en même temps. Il y en avait toujours un pour soutenir l’autre ». C’est en regardant en arrière leur vie conjugale que Solène et Paul peuvent parler ainsi de leur couple. Mais ils reconnaissent que ça a été parfois extrêmement difficile. Ils sont parents de quatre enfants dont la dernière, Lucie, est porteuse d’un lourd handicap.

VD : Sur quoi ont porté les difficultés pour eux ?

Ils se souviennent notamment de leur réaction à l’annonce du diagnostic, quelques mois après la naissance : « Je me sentais coupable du handicap de Lucie que je n’acceptais pas. – dit Solène- je me sentais désespérée ». Paul se souvient douloureusement de cette réaction de sa femme. « J’ai été déçu par ma femme, que j’aurais pensé avoir une attitude différente. En fait, moi aussi, je souffrais, mais je ne voulais pas lui montrer, pour ne pas rajouter à son épreuve. Alors, c’est la nuit que je pleurais ». Solène se souvient bien de cette solidité dont faisait preuve son mari, qui semblait faire face sans émotion ; à tel point qu’elle a pensé qu’il était insensible au handicap de Lucie et à sa souffrance à elle. Elle lui en voulait : « J’avais besoin de sa force, certes, mais j’avais aussi besoin de ses larmes».

Dire notre souffrance, notre ressenti à notre conjoint, lui partager notre vulnérabilité, ce n’est pas alourdir son fardeau. C’est au contraire faire grandir la confiance dans le couple.

VD : Cet échange entre Solène et Paul est-il révélateur de ce que vivent les couples parents d’un enfant handicapé ?

Oui, Valentin, un des risques majeurs pour tous est de ne pas se comprendre, à force de silences protecteurs. Dans un couple, quand surgit une épreuve, l’homme et la femme ne sont ni égaux, ni symétriques devant la souffrance, et s’ils ne s’en parlent pas, l’écart se creuse. C’est ce que dit le docteur Sylvie de Kermadec, gynécologue, qui explique que les membres du couple passent par différentes phases, déni, révolte, dépression, avant de bâtir : « Chacun des membres du couple va les traverser à son rythme propre –dit-elle. Il en résulte un déphasage entre époux, parfois important, qui sont normaux, physiologiques, inévitables, mais source de tensions ».

VD : Et donc en parler est vital, pour traverser l’épreuve ?

Oui, Valentin. Dire notre souffrance, notre ressenti à notre conjoint, lui partager notre vulnérabilité, ce n’est pas alourdir son fardeau. C’est au contraire faire grandir la confiance dans le couple. Ces différences, dont on peut enfin parler, cessent d’être une menace et deviennent une force.

C’est pour cela que l’OCH organise un week-end national pour des couples ayant un enfant malade ou handicapé, les 15 et 16 janvier prochain, en deux lieux, à Lyon et à Paris. Que ces couples, en parlant de comment chacun vit le handicap de leur enfant, puissent se dire et se redire que l’amour qui les a engagés dans le mariage est toujours là, bien vivant. Ils pourront ainsi aller de l’avant, riches de leur alliance et forts de leurs différences.

Les aider à s’inscrire, en prenant en charge le cas échéant leurs enfants pendant ce week-end, c’est un beau cadeau à leur offrir.

Philippe de Lachapelle sur Radio Notre-Dame – 28 décembre

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