Dépendant mais pleinement homme

Chronique de Florence Gros, directrice de la Fondation OCH, sur RCF – 11 mars 2024

« Je suis comme un enfant pas autonome ou un vieux, incapable de se gérer lui-même. Alors, comment continuer à être un homme dans ces conditions ? » Ces mots sont ceux de François Hugues, 59 ans, devenu tétraplégique à la suite d’un accident de vélo. Grand sportif, très bricoleur, doté d’une énergie incroyable, il est devenu dépendant à 90%. Dans une société où le désir de normalité est vif et où l’image de la virilité passe souvent par la force physique, comment se construisent ces hommes handicapés au corps blessé, aux gestes maladroits ? Que viennent nous révéler ces hommes touchés dans leur autonomie ? Où est la force de ces hommes paralysés ? Pour répondre à ces questions, la revue « Ombres et Lumière », dans son dernier numéro, donne la parole à des hommes abimés dans leur corps ou leurs capacités. Tout un dossier aussi audacieux que passionnant leur est consacré. François Hugues et d’autres témoignent de la façon dont ils construisent leur vie d’homme avec leurs vulnérabilités.

Bruno : Qu’avez-vous découvert de ces hommes que les journalistes de votre revue ont interviewés ?

A la lecture de ce dossier, j’ai été saisie par la force que dégagent ces témoins qui vivent l’extrême faiblesse. Quelle contradiction ! Leur force de caractère et de vie, leur force intérieure, leur capacité à relever des défis, à s’exposer au regard d’autrui, à se laisser aider sont en réalité des forces supérieures ; ils sont sans artifice et vrais. Ils vivent la dépendance, le dépouillement, l’abandon et nous font découvrir la liberté. La complexité de leur vie n’étouffe pas leur fécondité et toutes leurs facultés. François-Hugues, aujourd’hui en fauteuil roulant, Laurent atteint d’une maladie neurologique évolutive et Fouad devenu aveugle ne sont pas privés par exemple de leurs capacités à être pleinement père, à pouvoir prendre des décisions, à entrer en communication. Tous se battent et construisent à la fois leur vie d’homme, leur vie familiale et amicale et ils prennent une large part à bâtir aussi la société et l’Eglise.

Bruno : Que voulez-vous dire ? Qu’apportent-ils de spécifique ?

Dans le numéro, vous découvrirez ce qu’a apporté Jacques, un homme profondément handicapé à Baudoin, un jeune engagé dans l’association Simon de Cyrène. Il dit notamment : « Tous les codes de l’homme classique, je les ai perdus au contact de Jacques, mais j’ai gagné ceux de l’homme vrai ». Ces hommes handicapés, par leur façon de vivre leur handicap, nous entraînent vers un essentiel, nous révèlent leur personnalité en vérité. De son côté, François-Hugues témoigne que sa prière s’est développée. Il est devenu un intercesseur. Fouad, lui, a une mission diaconale et a créé des petites fraternités rattachées à une paroisse pour vivre le partage et la prière. Pascal, trentenaire, traumatisé crânien, est enseignant en pastorale. En invitant ces hommes à s’engager dans la vie civile et ecclésiale, on leur permet de témoigner qu’on peut aimer sa vie, comme Dieu l’aime, même cabossée. Un chemin pour tous !

Chroniques animées par Bruno Fumat sur les ondes de RCF.

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