Des artistes handicapés exposés à Paris

- Frida Khalo by Toni Frissell, US Vogue 1937 © Toni Frissell, Vogue © Condé Nast
- Gérard Garouste, « Pinocchio et la partie de dés » (détail), 2017 © Adagp, Paris 2022. Photo © Bertrand Huet/Tutti
- Edvard Munch – Soirée sur l’avenue Karl Johan, 1892 – Dag Fosse / Dag Fosse / KODE
Bruno : Vous avez été interpellée, Florence, par une série d’expositions d’artistes malades ou handicapés…
Le musée d’Orsay, le centre Georges Pompidou, le Palais Galliera. 3 musées de Paris qui exposent chacun un artiste marqué par la maladie ou le handicap. De quoi attirer notre attention sur la fécondité de toute vie…
Bruno : Que pouvez-vous nous raconter sur ces 3 artistes ?
Edvard Munch est un peintre et graveur (expressionniste) norvégien (de la fin du XIX, début XXème siècle). Il est célèbre pour son « cri », chef-d’œuvre fantasmagorique (expressionniste) représentant un personnage effrayé devant la nature. C’est sa propre angoisse existentielle et des émotions comme la peur que l’artiste met en scène. Le musée d’Orsay nous livre une magnifique exposition aux couleurs vives et aux lignes courbes.
La vie de ces artistes est cabossée mais pas brisée. La peinture leur donne sans doute une raison de vivre. Probablement aussi qu’elle les a aidés à dépasser de nombreuses difficultés de leur vie. Et inversement leurs difficultés nourrissent leur créativité. L’art est le moyen qu’ils ont choisi pour exprimer tout cela.
Florence Gros
Gérard Garouste, ensuite est un peintre, graveur et sculpteur contemporain. Surnommé « l’intranquille », il a traversé la maladie psychique avec des périodes de crise l’obligeant à fréquenter l’hôpital psychiatrique. L’art lui permet d’exprimer l’inexprimable, la sagesse, la mort, la folie … Le centre Pompidou lui consacre une grande exposition de plus de 120 œuvres dont certaines sont marquées par cette épreuve personnelle.
Exposition : Gérard Garouste (Centre Pompidou – jusqu’au 2 janvier 2023)
Quant à Frida Kahlo, elle est exposée au Palais Galliera. Cette mexicaine a contracté dès l’enfance une poliomyélite affectant sa colonne vertébrale et sa jambe droite. Elle sera amputée plus tard de cette jambe. Elle est l’une des artistes les plus reconnues et influentes du XXème siècle et pourtant ce n’est qu’à l’âge de 18 ans, après un accident, qu’elle se consacre totalement à la peinture. Très souvent alitée, elle peint dans son lit et se prend elle-même comme principal sujet. L’exposition retrace la manière dont l’artiste a façonné son image, nourrie par son expérience du handicap et son histoire culturelle. (J’invite d’ailleurs les auditeurs à aller voir ces expositions pendant ce temps de vacances).
Bruno : Qu’est-ce que leur vie et leur art vous inspirent ?
Je trouve intéressant ce dialogue entre leur vie de personne malade et leur art. La vie de ces artistes est cabossée mais pas brisée. La peinture leur donne sans doute une raison de vivre. Probablement aussi qu’elle les a aidés à dépasser de nombreuses difficultés de leur vie. Et inversement leurs difficultés nourrissent leur créativité. L’art est le moyen qu’ils ont choisi pour exprimer tout cela.
Bruno : Tout le monde n’a pas leur talent d’artiste peintre
En effet Bruno et tous les artistes ne sont pas connus du grand public. Je ne sais pas s’il faut s’arrêter au talent de ces artistes même si c’est agréable de découvrir la qualité de leur art.
Ce qui m’interpelle, c’est leur engagement, leur audace dans la peinture. Par exemple, ils osent exprimer des émotions ou des sentiments qui dérangent, comme l’angoisse. Ils nous aident ainsi à découvrir ce que nous ne voulons pas voir en le magnifiant.
Et si ces artistes me donnaient l’occasion de me poser la question : quels sont ces sentiments, ces émotions que je cherche à cacher ? Comment exprimer d’une manière ou d’une autre (à travers l’écriture, la peinture, le modelage, le théâtre, la danse …) ces fragilités qui freinent ma vie ?
Picasso disait : « l’art lave notre âme de la poussière du quotidien ». On ne deviendra sans doute pas tous des artistes de renom, mais nous pouvons, au contact de ces artistes et de leur œuvre, reprendre contact avec notre vie intérieure pour la vivre pleinement.
Florence Gros sur RCF – 26 décembre 2022