Quand le handicap se conjugue avec la grâce

"Corps fragile, cœur vivant" de Cécile Gandon.

Clara : On ne penserait pas à associer ces deux mots, handicap et grâce. Et pourtant, Philippe, vous osez le faire en sortant de la lecture d’un livre qui vous a marqué !

« Je ne peux rien contre l’injustice à laquelle me confronte le handicap… Je refuse désormais d’en rechercher la cause… Je préfère profiter des blessures qu’elle creuse pour accueillir plus intensément la vie ». Ces mots sont de Cécile Gandon, dans son livre témoignage qui vient de sortir aux éditions de l’Emmanuel, « Corps fragile, cœur vivant ». Déformation de certains membres, démarche vacillante, douleurs permanentes ou fulgurantes, opérations médicales à répétition, Cécile Gandon nous fait entrer dans l’univers du handicap. Un univers qui ne manque pas de lourdeur : celle du handicap lui-même, avec les souffrances et la fatigue qu’il engendre ; celle d’un environnement souvent mal accueillant quand il n’est pas carrément rejetant… Et pourtant au fil des pages, c’est la légèreté et la joie qui sourdent. « La joie et la souffrance peuvent cohabiter » – dit-elle dans la revue Ombres et Lumière. Elle tient une chronique régulière sur le site de la revue. Mystérieusement ce livre respire la grâce, Clara.

Clara : La grâce de qui, la grâce de quoi ?

 La grâce des personnes que Cécile Gandon rencontre au gré des hauts et bas de sa vie. Il y a Pauline, cette tête de classe au collège, qui la choisit comme amie, et dont Cécile découvre qu’elle a sa part de fragilité elle aussi. Il y a Farid, compagnon d’hôpital, handicapé à la suite d’un AVC, qui demande naïvement à Cécile « et toi, quand est-ce que tu redeviendras normale ? », question que Cécile reçoit comme un regard qui ne l’enferme pas dans son handicap. Il y a aussi ce soignant qui prend soin de Cécile avec une délicatesse telle que, écrit-elle, « il m’aide à me réconcilier avec moi-même, il honore en moi ce que parfois, j’ai du mal à aimer moi-même ». Il y a aussi la grâce de Cécile elle-même qui transpire dans la justesse de son écriture, tant ses phrases voltigent en toute légèreté – On devine une âme d’artiste. Il y a enfin la Grâce de Dieu, qui traverse toute son histoire : « La Grâce est une douce personne qui me fait découvrir que la beauté réside non dans le but à atteindre, mais dans le chemin parcouru » écrit-elle.

Nous, personnes porteuses d’un handicap, ne faisons que vivre de manière plus radicale, plus violente parfois, plus sensible peut-être, ce que chacun est amené à éprouver un jour ou l’autre.

Clara : On imagine que ce livre est un pas important sur ce chemin !

Oui Clara, et cela concerne chacun de nous ! « Toute sa réflexion sur l’amour et l’acceptation de soi rejoint un enjeu que nous partageons tous » écrit Sophie Lutz dans la préface. C’est un voyage en humanité que Cécile Gandon nous invite à vivre avec ce livre, qui nous dit encore : « Nous, personnes porteuses d’un handicap, ne faisons que vivre de manière plus radicale, plus violente parfois, plus sensible peut-être, ce que chacun est amené à éprouver un jour ou l’autre : l’apprivoisement de ses limites, la conscience d’avoir besoin des autres, la découverte que quelle que soit l’épreuve traversée, la joie est toujours disponible ».  Ce livre est une ode à la joie !

Chronique de Philippe de Lachapelle sur Radio Notre-Dame – 31 mai 2022

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