Télévision

Dorine Bourneton : “Il faut toujours chercher la joie”

Alice Taglioni dans le rôle de Dorine Bourneton
Alice Taglioni incarne à l’écran Dorine Bourneton, la première femme paraplégique et pilote de voltige. ©Julien Cauvin / Exilene / TF1.

L’histoire de Dorine Bourneton, seule rescapée d’un accident d’avion à l’âge de 16 ans et première femme paraplégique à devenir pilote de voltige, a été adaptée sur TF1 dans le téléfilm “Au-dessus des nuages”.

Portée par la justesse des comédiens, cette fiction condense 30 ans d’une vie riche de combats et de réussites. Au téléphone, la force de cette pétillante quadragénaire se propage aussitôt…

“Au-dessus des nuages” est d’abord le nom d’un livre (1) que vous avez écrit sur votre vie. Pourquoi avoir accepté d’en faire une fiction ?

Dans un film, l’histoire et l’image sont sublimées. C’est une œuvre faite pour rêver, pour emporter et toucher un public large. Quand la productrice est venue me proposer de porter à l’écran mon parcours, elle m’a dit vouloir mettre en valeur un combat de femme. C’est ce qui m’a plu. Ce téléfilm n’est pas uniquement axé sur l’aviation mais aussi sur mon rapport avec mes parents, mes amis, ma vie de famille… Et le résultat est sublime, j’ai eu beaucoup de chance !

A travers ce téléfilm, on comprend que votre vie a été jalonnée d’obstacles. Votre accident d’avion, la perte de l’usage de vos jambes, l’interdiction de devenir pilote professionnelle, la naissance puis la garde de votre fille… Quelles ressources avez-vous trouvées pour les surmonter ?

La joie ! C’est une ressource extraordinaire. Il faut toujours chercher la joie. Et lorsque l’on ne l’a pas en soi, il faut aller la puiser chez les autres. Elle donne l’envie de vivre. Dans l’accident d’avion que j’ai subi en 1991, trois personnes sont mortes dont le pilote. Depuis ce jour, je me suis dit que je n’avais pas le droit de gâcher cette chance. Chaque pas que je fais, je le fais en pensant à eux. Ce sont comme trois anges. Je leur parle, j’ai l’impression qu’ils me guident de là où ils sont.

Bien sûr, je me suis demandé plein de fois : “pourquoi moi ?”. J’ai beaucoup culpabilisé. Mais la seule façon de m’en sortir, c’était de donner du sens à ce que je voulais faire. Et au fond de moi, je voulais piloter. Alors on s’est débrouillés avec mon père : on est allés dans des meetings aériens pour trouver des solutions. A Toulouse, j’ai appris qu’il existait des commandes manuelles pour guider l’avion. Et c’est comme ça que tout s’est enchaîné…

Avez-vous la sensation d’incarner un symbole de réussite et êtes-vous à l’aise avec cela ?

Dans la vie, il ne faut pas s’identifier à ses réussites. C’est à ce moment-là que l’on se perd. Oui, j’ai obtenu de belles victoires et j’en suis fière mais je les dois tellement à Guillaume Féral, un fidèle ami pilote (incarné par le comédien Lannick Gautry ndlr). Cela a mis des années mais on a fini par réussir ! En fait, je me suis surtout construite dans les échecs. C’est eux qui font ce que je suis devenue aujourd’hui. Quand on est pilote, on se remet en question à chaque décollage.

Pour une personne handicapée, on perçoit que la vie en société est infiniment plus complexe : monde du travail, relations amoureuses mais aussi mille choses du quotidien. Avez-vous le sentiment que les choses évoluent ?

Heureusement, oui ! Les mentalités ont beaucoup évolué. En 1991, après mon accident, on m’avait tracé mon avenir : “Toi maintenant, ce sera les allocations, sur un canapé et devant la télé !” Mais je me suis battue. Si des discriminations subsistent encore, c’est parce qu’elles sont de l’ordre de l’inconscient. D’où le rôle majeur de la culture, tels les livres et les films, pour faire évoluer le regard des gens. Pour beaucoup, une personne handicapée est vue comme inférieure par rapport à une personne valide. On se dit qu’elle aura moins d’autorité ou qu’elle sera moins crédible… Et le fait d’être une femme en rajoute une couche ! Quand je suis aux commandes de mon avion, justement, je reprends le contrôle de mon destin et ça m’aide à retrouver confiance en moi.

Quels autres grands rêves sommeillent en vous ?

Mon plus grand souhait serait de retrouver quelqu’un avec qui partager ma vie. C’est ce qui me manque le plus.

Propos recueillis par Guillemette de Préval, ombresetlumiere.fr – 5 novembre 2020

En replay sur TF1.

(1) Au-dessus des nuages, de Dorine Bourneton. Editions Robert Laffont, 216 pages, 19,90 €

Plus d’information sur www.dorinebourneton.fr

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