Une vie de maman

Face aux vents contraires

un voilier en pleine mer agitée.
Istock.

Ils sont de nouveaux partis à l’assaut de l’Atlantique, direction la Guadeloupe. 138 solitaires pour une course de vitesse : la mythique Route du Rhum. Très honnêtement, je ne connais rien à la navigation, mais le projet me semble simple : attraper le vent, tenir la barre malgré les turbulences, coller à la vague et traverser l’océan le plus vite possible. Les compétences sont techniques bien sûr, mais ne sont-elles pas avant tout humaines car l’aventure est toujours incertaine et la mer incontrôlable ?

J’ai une vraie gratitude pour ceux qui ont la générosité de partager leurs exploits et nous donnent à lire le suspense de leurs aventures. Le temps d’une course en mer, l’actualité se pimente de prouesses réjouissantes que l’on partage avec émerveillement. Cela nous fait un peu oublier l’hiver en embuscade, et la guerre chez nos voisins. Comme si nous avions besoin de nous rappeler que l’homme possède en lui des ressources magnifiques pour affronter l’adversité et faire gagner la vie.

Mes vents contraires se nomment autisme, cris perçants et agitation. J’ai pensé qu’ils allaient faire couler la barque familiale ce week-end. Le niveau sonore de la maison était insupportable, surtout pour les ados qui devaient réviser leurs compos. J’avais beaucoup de choses à faire, et je n’ai rien pu entreprendre. Au dîner, chacun contenait son stress et son désespoir. Ne sachant plus comment éviter le naufrage, j’ai branché la conversation sur la Route du Rhum. Nous avons regardé une carte : St Malo, les Açores, Pointe-à-Pitre. Nous nous sommes questionnés sur les skippers et intéressés à leurs bateaux profilés et connectés. L’esprit éveillé par la magie de la mer, les sourires sont peu à peu revenus. Puis nous avons raconté les sauvetages : le danger, la peur, la fin d’un rêve mais aussi le courage, la ténacité, une prière, les secours. Les cœurs dilatés et nourris de grandeur d’âme, la cuisine s’est progressivement animée d’une joyeuse énergie. Nous avons convenu que la victoire est magnifique, mais que les revers ont aussi quelque chose d’émouvant : ils rejoignent nos propres échecs, parfois inévitables et injustes devant la force de l’adversité. Est-il plus important d’atteindre ses objectifs ou d’être en vie quand la tempête se déchaine ? Le plus remarquable me semble celui qui ne perd ni la foi ni la joie dans le naufrage. Peut-être a-t-il deviné que son histoire rendra le sourire à des galériens du quotidien ?

Marie-Amélie Saunier, ombresetlumiere.fr – 16 novembre 2022

portrait de Marie-Amélie Saunier

Marie-Amélie Saunier vit à Lyon. Elle est mère de quatre enfants, dont Paul, atteint d’autisme.

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