Faut-il déconjugaliser l’AAH ?

Un homme en fauteuil roulant et sa femme regarde les factures.
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VD : parmi les minima sociaux, il y en a un qui ne concerne que les personnes handicapées, c’est l’AAH, l’Allocation Adulte Handicapé. Beaucoup de personnes handicapées en couple protestent sur le calcul de cette AAH.

« Vous croyez qu’un conjoint valide peut entretenir sa femme handicapée ? Vous pensez vraiment que c’est le but de la femme handicapée de se faire entretenir par son conjoint ? Vous croyez qu’on le fait exprès de ne pas trouver de travail ?». Elle est en colère Hélène, qui s’exprime ainsi sur le site « Le prix de l’amour », parce que le gouvernement refuse de mettre fin à une loi que les associations de personnes handicapées dénoncent depuis des années : la conjugalisation de l’AAH.

VD : qu’est-ce que l’AAH et comment se calcule-t-elle quand on est en couple ?

L’AAH est une aide financière qui permet à la personne handicapée d’avoir un minimum de ressources, notamment si elle est dans l’incapacité de travailler. Si la personne travaille, l’AAH diminue, selon le montant du salaire, jusqu’à disparaitre totalement. Le problème, c’est que le calcul de l’AAH prend aussi en compte les ressources du conjoint, le cas échéant. Et c’est là que l’on peut comprendre le cri de colère d’Hélène, et elle n’est pas la seule ! Nombre de couples découvrent qu’en se mariant, leurs revenus diminuent d’une partie ou de la totalité de cette AAH, qu’ils pensaient voir s’ajouter. « Bien souvent, c’est la détresse absolue quand ils le découvrent -témoigne une salariée de la CAF. D’autant plus qu’on leur demande de rembourser le trop-perçu s’ils n’ont pas déclaré à temps la vie en couple, au risque de les mettre à genoux.

La personne handicapée se trouve en dépendance forcée de son conjoint : enjeu de dignité et d’autonomie, donc, mais aussi enjeu de sécurité 

VD : Le handicap occasionne-t-il des charges financières pour le couple ?

Oui, Valentin, même si des aides existent, il est source de nombreux surcoûts : logement adapté, équipements, transports, soins…. Nombre des témoignages sur le site « le prix de l’amour » montrent la grande difficulté dans laquelle vivent certains couples, au point de choisir de vivre séparés, ou de renoncer au travail pour échapper aux seuils des plafonds de ressources. « Une assistante sociale m’a un jour suggéré en désespoir de cause de divorcer » peut-on lire.

L’enjeu n’est pas que financier. La personne handicapée se trouve en dépendance forcée de son conjoint : enjeu de dignité et d’autonomie, donc, mais aussi enjeu de sécurité : les maltraitances que les femmes handicapées subissent au sein du couple ne sont pas rares.

Ca fait des mois que des pétitions, des tribunes, des manifestations, des projets de loi, se heurtent au refus du gouvernement de modifier cela, au motif de préserver le principe de la solidarité familiale. Pour apaiser les choses cependant, il vient de prévoir des mesures dans le projet de loi de finances, notamment en augmentant les plafonds de ressource. Un mieux qui ne répond pas à la question de fond, et qui n’éteint pas la colère des associations qui comptent bien profiter de la campagne présidentielle pour relancer ce sujet de la déconjugalisation de l’AAH.

Philippe de Lachapelle sur Radio Notre-Dame – 26 octobre 2021

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