Journée mondiale des pauvres, oser la rencontre
VD : Dimanche, c’était la journée mondiale des pauvres. Le Pape à cette occasion a adressé un message fort, qui vous a rappelé une rencontre que vous avez faite, Philippe.
« Antoine me fait du bien, il me donne vie ». Antoine est un homme de 35 ans, polyhandicapé qui ne peut rien faire par lui-même. Et celui qui me parle ainsi de lui, c’est Paul, que je rencontre dans un habitat partagé ou personnes handicapées et jeunes accompagnateurs vivent dans une logique d’amitié et d’entraide. Etonnant qu’un homme aussi vulnérable qu’Antoine, dépendant pour tout, manger, se laver, parler, … puisse ainsi faire du bien au point de « donner vie »
Tout le sens du message du Pape, c’est de nous inviter à entrer en relation avec les pauvres, à l’image de Jésus, dans une dynamique de rencontre, pas seulement d’aumône.
VD : Effectivement, les mots sont forts. En quoi Antoine fait-il ainsi du bien à ce jeune ?
Paul a cherché à m’expliquer : il évoque ce temps lent et long dans lequel Antoine le plonge, ce silence habité quand ils restent ensemble, la gratuité qui marque leur relation… Une véritable révolution copernicienne pour ce jeune diplômé d’une grande école qui a pris une année de césure à un moment où il se sentait dans une impasse, tant la course à la performance lui faisait perdre le gout des choses. Il se sent utile à prendre soin d’Antoine jour après jour, à lui faire du bien, lui aussi, dans ce temps partagé et ces gestes concrets, manger, boire… Il pressent que c’est dans ce « donner – recevoir » qu’émerge le sens de sa vie qu’il était venu chercher dans cette année de césure.
VD : En quoi cette expérience de Paul et Antoine rejoint-elle le message du Pape pour la journée mondiale des pauvres ?
Le Pape a ces mots étonnants, presque paradoxaux -je cite : « Beaucoup de pauvreté des « riches » pourrait être guérie par la richesse des « pauvres », si seulement ils se rencontraient ! ». Eh bien, Paul, riche en santé et en bien d’autres choses, est guéri par Antoine qu’il rencontre, pauvre de tout, mais finalement riche de l’essentiel, l’autre, dont il ne peut se passer. Le Pape ajoute : « Personne n’est si pauvre qu’il ne puisse donner quelque chose de lui-même dans la réciprocité ». Antoine n’a rien d’autre à donner à Paul que lui-même, si vulnérable, et son besoin qu’on prenne soin de lui avec douceur.
Tout le sens du message du Pape, Valentin, c’est de nous inviter à entrer en relation avec les pauvres, à l’image de Jésus, dans une dynamique de rencontre, pas seulement d’aumône. C’est dans cette expérience de rencontre que nous pouvons découvrir, sans honte aucune, que nous sommes pauvres nous aussi. Nous pouvons ainsi, je cite- rendre les pauvres partie intégrante de notre vie et instrument du Salut ». Oser cette rencontre vaut vraiment le coup ! Car ce qui est en jeu, c’est ce que le Pape nomme « le vrai bonheur, la béatitude, qui ne peut être détruit par rien ni personne ».
Alors osons la rencontre ! Et si on ne sait pas comment faire, on peut s’adresser aux associations dans nos paroisses, ou encore au service Ecoute & conseil de l’OCH.
Philippe de Lachapelle sur Radio Notre-Dame – 16 novembre 2021