Chroniques

Le tintamarre

une maman qui se bouche les oreilles
© Istock.

Vendredi 15h, Paul revient à la maison pour le week-end. Il se précipite dans sa chambre, fait valser ses chaussures comme une libération, et attrape un jeu musical qu’il colle à son oreille. Son sourire radieux montre à quel point la mélodie retrouvée est un plaisir. Pendant deux jours et demi, il va déambuler à travers la maison en faisant fonctionner les klaxons, sonneries, et autres musiques synthétiques de ces jeux à piles destinés aux petits de 18 mois. Il en raffole et la famille ne se prive pas de lui offrir les dernières nouveautés.

Lorsque je lui retire ce tintamarre, Paul poursuit ses vas-et-viens en criant des onomatopées improbables et dénuées de sens pour le seul plaisir d’entendre le son de sa voix. Il peut aussi reprendre en boucle une mélodie mais il ne retient que les airs des chansons infernales qui vous entrent dans la tête pour huit jours. Impossible de le faire taire ; impossible même de lui faire baisser le son… Ces refrains incessants rendent fous ! Son oncle, qui passe un week-end à la maison, se tape la tête contre les murs pour en sortir la musique de Kiri le clown, qui le poursuit jusqu’au fond de son sommeil…

Le seul avantage de ce vacarme, c’est que je sais toujours où Paul se trouve.  Et lorsqu’enfin le bruit cesse, je me précipite, inquiète, pour vérifier si tout va bien. Quand la maison résonne des cris de Paul, le stress gagne chacun. Le bruit s’infiltre partout. Il est impossible de se concentrer. Il faut attendre que Paul s’endorme pour pouvoir lire, écrire, peindre ou travailler. Lorsque Paul repart à la fin du week-end, je rends un culte irrationnel au silence. Les lundis soir, j’écoute la quiétude de la maison et mesure chacun de mes gestes et chacun de mes pas pour produire le moins de décibels possibles. Je n’ai pas besoin de grand-chose pour me reposer et me ressourcer, juste une journée pour moi sans un bruit.

Marie-Amélie Saunier, ombresetlumiere.fr – 3 juin 2022

portrait de Marie-Amélie Saunier

Marie-Amélie Saunier vit à Lyon. Elle est mère de quatre enfants, dont Paul, atteint d’autisme.

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