Métiers sociaux, pour un changement de société

Infirmière avec une personne âgée.
@ Adobe Stock

BF : les métiers d’aide à la personne sont en crise. On a souvent entendu pendant la crise sanitaire la nécessité de les revaloriser. Le gouvernement précédent avait demandé un rapport sur le sujet.

« Le contexte tendu des établissements et services médicosociaux, marqué par des départs de personnels, des attentes salariales, et des difficultés de recrutement, crée une attente très forte ». Ces mots sont de Denis Piveteau, Conseiller d’état, dans le rapport qu’il a remis en février dernier au Premier ministre sur les métiers de l’accompagnement social et médicosocial. Ces métiers traversent une crise de vocations que constatent les organismes de formation : de moins en moins de candidats, et des motivations trop souvent mal ajustées, alors même que les besoins ne cessent d’augmenter. Les directeurs d’établissements pour personnes en situation de handicap n’arrivent plus à recruter pour pallier l’hémorragie dus aux départs en retraite, mais aussi aux changements de trajectoires professionnels de personnels désabusés. La crise est grave donc.

BF : Que propose Denis Piveteau pour faire face à cette situation qui nous concerne tous ? La dépendance fait partie de toute vie, notamment avec l’âge.

Il a choisi un horizon particulièrement ambitieux qui engage toute la société, comme le souligne la phrase en exergue de son rapport : « Choisir un métier de travail social, c’est se donner le « pouvoir d’agir » avec les personnes que l’on accompagne, pour faire advenir une société « inclusive ». Si revalorisation il y a de ces métiers, elle porte donc d’abord sur le sens : c’est la société tout entière qui s’engage à se transformer pour que les plus fragiles participent à toutes les dimensions de la vie sociale. La mission des métiers du travail social, qui se résumait jusqu’alors à aider les personnes en situation de handicap, s’écrit alors tout autrement dans ce nouvel horizon collectif, comme le précise Denis Piveteau : « Dans ce mouvement qui a pour objet de valoriser l’expertise des personnes elles-mêmes, les professionnels seront, avec ces dernières et auprès d’elles, les experts d’un projet qui implique toute la société ». On change de paradigme, en passant de métiers caritatifs à des hommes et des femmes qui choisissent de mettre leur vie professionnelle au service de cette innovation sociale.

BF : N’y a-t-il pas risque que cette perspective demeure une belle utopie ?

Si Bruno, et pour l’éviter, Denis Piveteau propose dans son rapport une démarche pragmatique, autour de pistes concrètes dans plusieurs domaines, avec des objectifs précis, à court, moyen et long termes, et pour chacun des méthodes de travail précises. Un vrai programme de société !

On l’aura compris, ce qui est en jeu derrière la revalorisation de ces métiers d’accompagnement, c’est une vision d’une société qui reconnait les plus fragiles comme des personnes, non pas à prendre en charge, mais ayant des dons et des talents à apporter à la société. Une belle mission pour les professionnels que de les accompagner en cela, pour une société plus juste et plus humaine ! Et un beau programme pour un nouveau gouvernement que de choisir cette ambition et la mettre en route sans tarder.

Philippe de Lachapelle sur Radio RCF – 13 mai 2022

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