« Notre mode de vie est un soin pour notre enfant »

Bosco marchant dans le jardin
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Benoît Régnier Vigouroux et sa famille sont partis vivre dans un éco-hameau chrétien il y a un an. Un projet d’écologie intégrale qui n’est pas sans lien avec l’autisme de leur fils Bosco.

Nous avons 4 enfants, dont Bosco qui est autiste. Je suis militaire. Nous avons quitté l’agglomération lilloise à l’été 2019 pour rejoindre un éco-hameau chrétien, à La Bénissons Dieu, un village dans la Loire. Avec quelques familles, nous essayons de vivre, dans l’esprit de Laudato si, l’écologie intégrale. Nous y avons créé une petite école hors contrat avec des pédagogies alternatives très individualisées, qui accueille 10 enfants, dont notre fils. Il y a un souci de « zéro déchet » ; des cours le matin, et l’après-midi les enfants sont en extérieur. Ce qui a vraiment changé dans notre mode de vie, c’est le rapport au temps : non pas que nous nous tournons les pouces, loin de là, mais nous vivons vraiment au rythme de la nature, des saisons, au rythme de notre biologie aussi, car l’homme fait partie de la nature.

Nous avons toujours été sensibles à l’écologie, mais il est vrai que l’autisme de Bosco, diagnostiqué quand il avait 4 ans, nous a fait accélérer. Nous nous sommes vite intéressés aux causes des TSA, handicap qui a littéralement explosé dans les pays développés, atteignant une naissance sur 100 en France et un taux encore plus élevé certains autres. Or selon certaines études, notamment au Canada, l’environnement est notamment en cause, comme il l’est sans doute aussi pour d’autres pathologies. Bien sûr il y a certainement de multiples facteurs, notamment génétiques, mais il est probable que l’environnement n’aide pas. La multiplication des ondes, des produits chimiques dans le textile, ou la mondialisation de l’alimentation, sont problématiques.

Pour nous, il ne s’agit pas de se focaliser sur une cause, mais de favoriser l’ensemble de l’environnement : naturel, social… dans un souci d’écologie intégrale. Face à l’augmentation des fragilités de toutes sortes (cancer, burn out), il faut changer de mode de vie, à la fois individuellement et collectivement.

Un environnement moins agressif

Quel est l’impact de notre changement de vie sur Bosco ? En arrivant ici, nous avons choisi un environnement vert, beaucoup moins agressif, en termes d’odeurs, de bruits, auxquels notre fils est très sensible. A Lille, il était par exemple très dérangé par les klaxons, même dans le jardin. Il y a ensuite, humainement, une vraie bienveillance : l’éco-hameau est une petite société où les adultes sont tous un peu éducateurs. Par exemple, lorsqu’il arrive que Bosco fugue, tout le monde réagit… Nous sommes tous un peu « formés » à l’autisme. Grâce à cet entourage bienveillant, nous sommes sereins pour la suite, l’adolescence, etc.

Tout cela est apaisant sur le plan physique et psychique. Je constate que Bosco sort plus facilement de sa bulle, il en a davantage envie. Par ailleurs, nous sommes très attentifs à son alimentation, qui a une forte incidence sur son comportement.

Notre mode de vie est un soin en tant que tel pour lui. Nous continuons à voir des professionnels bien sûr, mais moins souvent. Ainsi, les rendez-vous avec une psychologue, autrefois quasi quotidiens, sont beaucoup plus espacés.

En retour, la présence de Bosco dans l’éco-hameau a également un impact positif, même si c’est difficile à estimer. A l’école, par exemple, les enfants sont invités à interagir avec Bosco, à avoir des petits moments privilégiés avec lui. Initialement les rapports des enfants avec Bosco n’étaient pas évidents, voir difficile pour certains, mais ces temps privilégiés ont été bénéfiques pour tous. Pour l’un en sortant de son rationalisme et en acceptant de ne pas tout maîtriser, pour l’autre en partageant une amitié unique ou encore pour un autre en se posant.

Autre impact : l’éco-hameau suscite parfois des peurs, des préjugés, parmi  les habitants du village. Or la présence de Bosco, sa fragilité évidente, tendent à briser la glace, à faciliter les liens, au point que les voisins ont apporté leur aide à plusieurs reprises.

Recueilli par Cyril Douillet

Ombres & Lumière n°236, « Ecologie et handicap, Soin de la terre, soin des hommes « 

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