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« Sœur André savait vaincre sa fragilité par la joie »

Soeur André
©PHOTOPQR/LE MIDI LIBRE/MAXPP.

Le décès de la « doyenne de l’humanité » a été largement commenté dans les médias cette semaine. Sœur André, fille de la Charité, aveugle, se déplaçant en fauteuil depuis plusieurs années, s’est éteinte mardi à l’âge de 118 ans. Proche d’elle pendant quatre ans au sein de la Maison de retraite Sainte Catherine-Labouré de Toulon, Sœur Thérèse Vlaminck évoque pour Ombres & Lumière la force confiante de Sœur André.

Sœur André a vécu très longtemps au service des autres. Comment accueillait-elle son handicap ?

Toute sa vie, sœur André a médité l’Evangile : elle a regardé Jésus. Quand elle est devenue handicapée -elle a perdu la vue, et peu de temps après l’usage de ses jambes, son regard s’est porté davantage sur le visage de Jésus lors de sa Passion. Pendant tout le temps du Vendredi Saint, le Christ était coupé de tous : des apôtres, de la foule qui venait à lui, des malades. C’est ainsi que Sœur André acceptait d’être fragile, dépendante, d’attendre pour aller aux toilettes, d’attendre encore pour qu’on vienne la chercher à l’heure de la messe… Je lui parlais surtout lors des allées et venues vers la chapelle. Privée de ses yeux, Sœur André avait son regard posé sur Jésus, qui se penchait vers les plus petits.

Comment exprimait-elle cette acceptation ?

Comme filles de la Charité, on est au service jusqu’à sa mort. Sœur André a découvert avec le handicap une autre forme de service : recevoir celui qui venait lui dire bonjour, garder un humour extraordinaire, tout au long de ses dernières années. En même temps, elle témoignait de sa foi par son sourire, par sa fidélité. On était toujours accueilli avec beaucoup de joie dans sa chambre. Elle savait vaincre, au fond, sa fragilité par la joie. Elle qui avait été si longtemps au service -auprès des orphelins, des personnes âgées, était devenue servante. Elle était désormais ‘servante servie’, parmi les autres. Oh, elle savait réclamer, elle s’énervait un peu -et c’est bien normal. Elle était ligotée par sa dépendance. Le handicap était lourd à porter. Mais quand elle s’impatientait, après coup, elle remerciait toujours. Les gens comprenaient qu’elle était heureuse de vivre, d’être là. Il y avait des jours où elle disait « quand est-ce que le Seigneur vient me prendre, m’a-t-il oublié ? » Mais au-delà de ça, il y avait en elle une sérénité, une paix profonde : la paix de Dieu.


Perdre la vue a été malgré tout un passage éprouvant…

Oui, c’est peu de temps après son arrivée dans notre maison de retraite qu’elle est devenue aveugle. C’était le plus dur. Elle a beaucoup parlé de cette difficulté de vivre sans voir la simplicité des visages, sans voir ce qu’elle mangeait. Ces passages étaient douloureux à vivre à cause de la pauvreté à laquelle elle était soudain confrontée. Mais elle les vivait avec Jésus, dans la confiance.  

Que retenez-vous d’elle ?

Alors même qu’elle ne voyait plus, sœur André repassait dans son cœur, dans son esprit, tout ce qu’elle avait vécu au fil de ses longues années : relire sa vie, c’était une façon de rendre grâce à Dieu. C’était pour elle une nouvelle manière de prier. Faire mémoire de toutes les rencontres et les événements de sa longue existence lui donnait non seulement une grande attention aux gens fragiles de l’Ehpad, mais aussi à toutes les personnes qu’elle avait croisées sur son chemin. Lorsqu’on n’est plus capable d’être dans le faire, on est pleinement dans l’être. Sœur André en tirait une grande confiance dans le Seigneur. C’est ce qu’elle m’a appris. Son acceptation n’était pas passive : elle la vivait dans la confiance en Dieu, en lui remettant toute sa vie entre ses mains.

Recueilli par Marilyne Chaumont, ombresetlumiere.fr – 20 janvier 2023

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