Soigner les apparences

Paul ne s’habille pas tout seul et n’a évidemment rien à faire de son look. Peu lui importe la couleur et la forme. Quant aux marques, c’est un concept hors de sa portée. Il apprécie simplement d’être à l’aise, ce qui signifie, avant toute chose : vivre pieds nus. Pour ma part, je lui choisis des habits simples et confortables mais je ne suis pas du tout indifférente à son allure. Je n’aime pas quand il rentre du centre mal habillé, même si j’admets volontiers qu’un jogging est plus facile à enfiler qu’un jean. Je n’aime pas qu’il ait l’air négligé, ou bien ridicule dans une tenue trop apprêtée. Comment peut-on rester attaché à de telles considérations ? Comme s’il fallait encore que je maîtrise les apparences… Comme si sa chemise pouvait atténuer les cris, la bave.

Pourtant j’ai fait des progrès. J’ai lâché sur les sandales à scratch que l’on peut remettre vingt fois par jour ; j’ai lâché sur les pantalons souples à taille élastique. L’enjeu est bien d’éviter le surhandicap social en étant vigilante sur l’hygiène, les soins, les habits, afin de rendre le lien aux autres plus facile et plus agréable. Cela dépend en grande partie de mon attention. Mais c’est sans compter la malice de ses frères et sœurs, bien décidés à donner leur avis dans des débats interminables, et à ranger mes goûts vestimentaires au placard de la ringardise… « Il a quand même le droit d’être habillé à la mode » ! Adieu les considérations pratiques et la culpabilité démoralisante, le look passera avant tout. Je tempère les ardeurs des stylistes domestiques, mais je suis amusée et touchée de voir comme les ados se soucient, à leur manière, de leur frère. Sapé comme jamais, les orteils en éventails : elle est pas belle la vie ?

Marie-Amélie Saunier, ombresetlumiere.fr – 15 septembre 2021

Marie-Amélie Saunier vit à Lyon. Elle est mère de quatre enfants, dont Paul, atteint d’autisme.