Une vie de maman

Son monde

un adolescent autiste.
© Adobe Stock

Les personnes autistes vivent dans leur monde et recherchent peu les interactions sociales. Ce monde parallèle est peuplé de roues qui tournent, de lumières qui clignotent et de bruits étranges. Parfois leur monde côtoie le nôtre, par la musique ou par des sujets de prédilection comme les dinosaures, les voitures, les trains. Mais l’obsession et les stéréotypies rendent les connexions éphémères. Chacun retourne vite à ses préoccupations. L’univers des autistes nous paraît parfois fascinant, mais il est en réalité rigide et monotone. On se lasse vite des sujets qui tournent en boucle, des écholalies, des monologues, des stéréotypies. La tentation est forte de ne pas déranger les personnes dans leurs activités particulières. J’ai souvent entendu dire qu’il fallait respecter ces moments d’isolement. Seul dans sa chambre, Paul peut rester des heures entières à actionner le levier de son jeu fétiche, en reproduisant sans fin le son étrange de la manette. Cela l’hypnotise et cela nous rend fous. Rien ne compte plus pour lui que ce bruit bizarre. On ferme la porte et il devient invisible.

Mais si les personnes autistes ne cherchent pas la rencontre, c’est qu’elles ne possèdent pas les clés pour aller vers les autres. On les pense indifférentes, alors qu’elles sont ultrasensibles. Paul bloque ses yeux sur le côté pour éviter le regard et ne manifeste aucun intérêt à la personne qui vient le saluer, mais il perçoit la voix ; il capte l’attitude et décrypte des signes infimes. Je constate qu’il est tellement plus apaisé le soir lorsqu’on est venu lui parler ou le toucher et lui tenir compagnie. Quitte à le bousculer un peu, l’obliger à faire un effort et le sortir de son monde. C’est à nous de redoubler d’ingéniosité, car personne ne peut vivre de solitude.

Marie-Amélie Saunier, ombresetlumiere.fr – 9 février 2022

Portrait de Marie-Amélie

Marie-Amélie Saunier vit à Lyon. Elle est mère de quatre enfants, dont Paul, atteint d’autisme.

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