Une année pour construire des cathédrales ?

Cathédrale Notre Dame de Paris.
@ Adobe Stock

VD : Nous démarrons une nouvelle année. L’ambiance est plutôt morose, entre la 5ème vague d’un virus qui ne cesse de varier, les tensions internes et externes qui se font menaçantes. Comment dans ce contexte souhaiter une bonne année à nos auditeurs ?

Permettez-moi de répondre à votre question par une petite histoire dont j’ai été témoin, Valentin : Il s’agit de Paul, qui a un handicap mental. Il travaille dans un établissement spécialisé, un ESAT, dans l’atelier de sous-traitance, où l’on conditionne des pièces de mécaniques pour un fabricante de fenêtres.

Un groupe de personnes importantes vient visiter l’établissement, emmené par le directeur. Ce dernier s’approche de Paul et, pédagogue, lui demande de présenter son travail à ces personnes. Le visage de Paul s’éclaire d’un large sourire derrière lequel on devine de la fierté. Il se concentre et raconte, d’une voix lente empreinte de gravité. « Je mets des petites pièces en métal dans un sachet plastique. Je pèse le sachet sur cette balance, pour être sûr qu’il y a le bon nombre de pièces. Je ferme le sachet avec des agrafes, je colle une étiquette, et puis je le mets dans un carton. Après, -explique-t-il encore-, Loïc viendra prendre le carton, le vérifier, le scotcher, et quand il y en a plein, on le met dans la camionnette, et on va à l’usine qui fabrique des fenêtres avec ça. »

Il est une liberté qui ne nous sera jamais retirée : le pouvoir d’agir en toutes choses, des plus petites aux plus grandes, comme des bâtisseurs de cathédrales.

VD : un travail qu’on pourrait trouver bien répétitif !

C’est ce qu’a dû penser un des visiteurs, qui a demandé à Paul s’il n’en a pas assez de faire toujours la même chose. Et Paul de lui répondre tranquillement. « Ah non, parce que si j’arrête, à l’usine, les ouvriers ne pourront plus travailler. Alors il n’y aura plus de fenêtres qui sortiront de l’usine. Et les gens auront froid dans leurs maisons. Et puis moi, j’aurai plus d’argent pour aller au cinéma ou offrir des cadeaux »

Cette façon de Paul de raconter son travail m’a rappelé cette histoire des trois tailleurs de pierre, qui font exactement le même travail dans une carrière. On demande à chacun ce qu’il fait ? Le premier répond, sans joie aucune : « Je taille des pierres ». Le second, un peu plus animé, dit : « Je gagne ma vie ». Le troisième déclare fièrement : « Je construis une cathédrale ».

VD : Paul s’est manifestement rangé du côté des constructeurs de cathédrales.

Eh oui, Valentin ! Cette histoire que l’on serait tenté d’écouter avec un peu de condescendance, – comment ne pas en sourire ? – témoigne en réalité d’un enjeu fondamental pour chacun de nous. Dans tous les gestes de nos vies, sommes-nous des tailleurs de pierre, ou des bâtisseurs de cathédrale ?

Nous entrons dans une nouvelle année apparemment bien morose, vous l’avez dit, Valentin. Les tensions ne manquent pas, la crise sanitaire n’en finit pas de rebondir, les contraintes nous lassent, qui entravent nos libertés. Mais il est une liberté qui ne nous sera jamais retirée : le pouvoir d’agir en toutes choses, des plus petites aux plus grandes, comme des bâtisseurs de cathédrales. C’est comme ça que l’année sera bonne, quels que soient les aléas et les incertitudes.

Alors bonne année à tous les bâtisseurs de cathédrales que nous sommes !

Philippe de Lachapelle sur RCF – 3 janvier 2021

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