Van Gogh, par sa fragilité, accède à une certaine vérité sur le monde ?

Radio Notre Dame :

En ce moment à Paris, au musée d’Orsay, une exposition est consacrée aux œuvres produites par Vincent van Gogh (1853-1890) durant les deux derniers mois de sa vie, à Auvers-sur-Oise. Une exposition magnifique sur une phase cruciale de la vie de l’artiste, une phase de grand désarroi psychologique. 

Simon : Rappelez-nous le contexte de la vie de Vincent van Gogh à ce moment-là ?

Van Gogh était un artiste tourmenté. A Paris, où il habitait, il était entouré d’amis artistes comme Paul Gauguin. Mais en quête de la lumière du midi que lui avait vantée Toulouse-Lautrec, il quitte la capitale pour Arles. Éprouvé par des crises psychiques profondes à Arles puis dans l’hôpital de Saint-Rémy, il revient à Paris pour renouer avec son frère Theo et pour trouver un nouvel élan créatif. Puis il s’installe au centre du village d’Auvers-sur-Oise pour se rapprocher de son médecin psychiatre, le docteur Paul Gachet, spécialisé dans le traitement de la mélancolie, mais aussi par ailleurs peintre amateur et collectionneur. Vincent van Gogh dira de lui : « J’ai trouvé dans le Docteur Gachet un ami tout fait et quelque chose comme un nouveau frère, tellement nous nous ressemblons physiquement, et moralement aussi ». Vincent n’aura passé que de 2 mois à Auvers, décédant là-bas quelques jours après une tentative de suicide. Cette fin dramatique nous rappelle la fragilité extrême de l’artiste et ses œuvres, son talent hors du commun. Ces tableaux sont marqués par la tension psychique et une très grande créativité. En 2 mois, encouragé par son médecin qui lui conseille de « se jeter dans le travail » pour « se distraire », il aura produit 74 tableaux et 33 dessins. Le musée d’Orsay en a retenu une quarantaine. Vous reconnaitrez certainement le portrait du docteur Gachet ou l’église d’Auvers-sur-Oise. Un tableau moins connu a retenu mon attention. « Les vaches ! »

Simon : Et pourquoi ce tableau « les vaches » ? 

Il m’arrive d’observer les vaches ruminer et brouter au milieu des près, indifférentes à la voiture qui passe sur le bord de la route. Leur air paisible contraste avec l’agitation de la ville que j’habite au quotidien. La vache est pour moi un animal calme. Les regarder me fait du bien ! Les vaches de van Gogh ne respirent pas la même tranquillité. Les lignes sont plus pointues et les couleurs audacieuses. Elles semblent même un peu torturées. Et pourtant, admirer ce tableau m’a aussi fait du bien. Son interprétation serait-elle plus proche de la vérité ou bien ses vaches sont-elles simplement l’expression des luttes de l’artiste liées à sa santé et à ses crises ? Van Gogh est reconnu pour son talent. Par sa fragilité, il accède sans doute à une certaine vérité sur le monde. Sans sa fragilité, il ne nous révélerait pas ce qu’il nous révèle dans la puissance de sa peinture. On peut s’interroger sur ce que serait le monde et l’art sans fragilité.  A travers son œuvre, Vincent van Gogh nous rappelle la force qui peut se déployer dans la fragilité lorsqu’elle trouve appui sur un médecin ou un frère bienveillant.

 

Florence Gros sur Radio Notre Dame – 12 décembre 2023

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